Quand les femmes enceintes sont moins respectées que les guenons

Chaque fois que je regarde une vidéo d’accouchement d’un animal en captivité, je suis frappée par le respect qui lui est accordé. Même dans les zoos les plus sordides, aucune entrave ne lui est imposée. Personne n’oblige une éléphante à se coucher sur le dos et à pousser sur ordre. Aucun vétérinaire n’introduit ses doigts dans le vagin d’une girafe pour contrôler la dilatation de son col. Pas un gardien de parc n’a l’idée d’appuyer sur le ventre d’une guenon pour accélérer la naissance de son petit. La consigne est communément admise : on ne touche pas à une femelle qui met bas au risque de perturber la parturition. Tout est mis en place pour tenir les curieux à distance, et seul un professionnel assure, par sa présence discrète et silencieuse, une sécurité permettant de réagir en cas de complication. Lorsque le petit est né, personne ne se précipite non plus pour le peser, lui injecter des produits dans les yeux ou lui aspirer les narines. Que du contraire, les zoologistes sont formels sur l’importance de laisser le nouveau-né au contact de sa mère pour que se créent les liens affectifs indispensables à sa survie.

Puisque les femmes sont elles aussi des mammifères, pourquoi ne leur applique-t-on pas les mêmes principes ? Répondre à cette question met en lumière le système de croyances, de dogmes et de superstitions sur lequel repose l’obstétrique.

La première réponse est que, pour les gynécologues, les femmes ne sont pas des mammifères. L’obstétrique est apparue au XVIème siècle, notamment par la publication en 1668 du traité de François Mauriceau sur les Maladies des femmes grosses et accouchées qui aura une influence majeure dans tout l’Occident et jettera les bases de la profession d’obstétricien. A cette époque, c’était simple : Dieu a créé l’homme à son image, la femme étant issue d’une côte d’Adam. Ce n’est qu’au XIXème siècle que Charles Darwin a découvert la théorie de l’évolution et a observé que l’Homme était un mammifère. Depuis lors, il est démontré que l’homme et la femme ne sont plus des êtres supérieurs directement modelés par Dieu, mais de vagues cousins du singe. L’obstétrique n’a pas encore intégré cette découverte scientifique.

Certains professionnels de la naissance plus perspicaces, et par ailleurs informés de la théorie de l’évolution, émettent alors d’autres hypothèses dont aucune n’a jamais été validée scientifiquement. Selon eux, les femmes auraient justement beaucoup trop évolué et auraient perdu certaines de leurs qualités de mammifère. Contrairement aux animaux, les femmes auraient par exemple perdu l’instinct de mettre au monde leurs enfants. Les animaux disposeraient quelque part dans leur code génétique de la collection complète des traités d’obstétrique dans lesquels ils puiseraient sans s’en rendre compte au moment de la mise bas, tandis que les femmes, en apprenant à marcher sur des talons hauts et à réussir le soufflé au chocolat, auraient annihilé cette connaissance. L’observation fine de la physiologie du corps démontre pourtant qu’accoucher n’est pas un instinct, mais un ensemble de réflexes. L’accouchement est un mécanisme involontaire équivalent à la défécation, au vomissement ou à l’éternuement. Aucune connaissance, qu’elle soit innée ou acquise, ne doit être mise en œuvre. Le corps est conçu pour fonctionner tout seul.

D’autres professionnels de la même veine expliquent que les femmes ne sont pas capables de mettre au monde leurs petits en raison de l’évolution du cerveau humain qui rendrait l’accouchement par voie basse impossible sans l’intervention d’experts. Une sorte d’évolution darwinienne à deux vitesses : le crâne humain a évolué, mais pas le bassin des femmes. L’absurdité de ce raisonnement n’a pas empêché les obstétriciens de pratiquer des épisiotomies sur des millions de femmes pendant tout le XXème siècle, par simple routine. Ces mutilations sexuelles ont été exécutées sans preuves scientifiques ni médicales, uniquement sur base d’une exégèse biscornue de la théorie de l’évolution voulant que le cerveau du bébé serait endommagé par les voies vaginales. Le corps féminin comme menace pour l’intellect des hommes est une idée charmante, presque séduisante, dans une société sexiste. Elle justifie à elle seule qu’on puisse attaquer aux ciseaux le sexe des femmes.

D’autres indices auraient pu semer le doute chez les praticiens au cours de l’Histoire. Par exemple, pendant la grande époque des explorations, les voyageurs ont ramené des contrées lointaines des récits évoquant des femmes mettant leur enfant au monde seules, dans la jungle, sans l’aide de personne et sans difficulté apparente. Imprégnés de l’image des médecins-accoucheurs qui extrayaient aux forceps les bébés des entrailles de leurs compatriotes blanches couchées sur le dos, dans un concert de cris, de peur et de souffrances, ils ont été interpelés par cette façon primitive d’accoucher avec aisance en s’accroupissant derrière un buisson. Ces découvertes anthropologiques n’ont cependant modifié en rien les pratiques obstétricales et toute la violence appliquée aux femmes occidentales. Ces indigènes ont simplement été qualifiées de « sauvages » et assimilées aux animaux plutôt qu’aux dignes épouses en corset et crinoline des pays civilisées. En les exposant avec leurs congénères dans les zoos humains, le pouvoir colonial a renvoyé ces femmes aux accouchements arriérés à leur infériorité. De cette façon, les moutons étaient bien gardés et la hiérarchie des races, respectée.

La remise en question de ces théories racistes n’a toujours pas libéré les femmes des traitements médicaux forcés pendant leur accouchements. Durant tout le XXème siècle, les Occidentales ont continué à subir position gynécologique, touchers vaginaux, forceps et épisiotomie parce que leur permettre d’accoucher par elles-mêmes heurtait l’idéal féminin et les normes de bienséance auxquelles elles devaient se conformer. Mettre au monde librement son enfant comme une mammifère implique de s’accroupir dans une position évoquant la défécation, ce qui est incompatible avec les critères d’élégance, de retenue et de savoir-vivre de la parfaite épouse. S’en remettre aux fonctions physiologiques et corporelles anéantit la délicatesse et la grâce inhérentes à l’idéal féminin. Autoriser les femmes à puiser en elles une force animale détruit irrémédiablement dans l’imaginaire masculin les fonctions séductrices et décoratives du sexe faible. Et pourtant, au risque de vous surprendre et de briser un mythe, même Marylin Monroe faisait pipi et a très certainement vomi.

Aujourd’hui, la société admet que l’être humain est un mammifère et que les femmes comme les hommes ont des besoins corporels et fonctions physiologiques inhérents à cet état. Peu de gens acceptent pourtant l’idée que les femmes puissent accoucher comme les primates. Plus rares encore sont ceux qui s’alarment du fait que les femmes auraient besoin d’une tierce personne pour les aider à mettre leur enfant au monde. Si subitement les guenons, antilopes et lionnes des zoos ne parvenaient plus à mettre bas sans l’aide d’un vétérinaire, toute la communauté scientifique se mobiliserait pour comprendre ce phénomène. Les militants de la cause animale procèderaient à manifestations et interpellations, et le grand public soutiendrait des réformes visant à préserver le bien-être de ces pensionnaires à fourrure. Mais lorsqu’il s’agit des femmes qui auraient perdu leur capacité d’enfanter, personne ne s’en inquiète.

En ce début du XXIème siècle, il serait temps que l’obstétrique abandonne ses dogmes sexistes et ses croyances racistes afin de rejoindre la Science. Mon propos n’est pas d’incendier les hôpitaux ni de forcer les futures mamans à accoucher seules entre une fosse aux ours et une volière aux perroquets, mais plutôt d’inciter le monde médical à respecter le corps des femmes et leur capacité intrinsèque à donner naissance. A l’instar de la prudence à l’égard des animaux mettant bas, les médecins devraient faire preuve de la plus grande réserve, et n’intervenir qu’en cas de nécessité vitale, de pathologie ou sur demande particulière de chaque femme. Dès lors, il y a lieu de revoir de fond en comble le métier des obstétriciens et sages-femmes, à commencer par leur formation. Par exemple en remplaçant l’entraînement dans les hôpitaux aux touchers vaginaux aussi inutiles qu’intrusifs, par l’observation des mammifères lors d’un stage dans un zoo.

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31 Responses to Quand les femmes enceintes sont moins respectées que les guenons

  1. Flo says:

    Très bien écrit, du pur bonheur (façon de parler) à lire !
    J’ai donné naissance à mes deux petits à 4 pattes, totalement libre et sans douleur pour le second en piscine. Je suis une mammifère et j’assume ! Qu’on nous laisse accoucher (et ch…!) tranquilles !!!!!!!!!!!!!!!!

  2. La sorcière says:

    Je suis toujours frappée par la façon dont tu expliques simplement, des choses que plus personne ne voit. Merci.

  3. Excellent ! Ceci dit j’ai une étude sous le coude qui vaut son pesant de bêtise en nous prenant un peu trop pour des mammifères ou plus exactement en ignorant que la notion de race n’a pas lieu d’être dans l’espèce humaine. Je cite: ” Cette intervention, décrite sous locale chez les bonnes flamando-scandinaves, plus robustes et résistantes à la douleur que nos latines, est faite chez nous sous loco-régionale type rachi-anesthésie.” tirée de http://blogs.mediapart.fr/blog/barbara-strandman/141013/machoscope-les-gynecologues-aussi-1

  4. Marie says:

    Article intéressant, mais je vous avoue qu’autant je suis pour qu’on laisse le libre choix aux autres de faire comme elles veulent, autant en ce qui me concerne, je préfère être entourée de médecins, quelque soit ce qu’on fait subir à mon corps, histoire d’avoir quelqu’un qui sache quoi faire si : le bébé se présente par le siège, ou alors avec le cordon autour du coup, ou que la délivrance se passe mal, uo que les contractions ne suffisent pas pour faire avancer le bébé, ou que les battements de coeur du bébé ralentisse au fur et à mesure de l’accouchement (et je ne vous cite que les quelques cas d’accouchements autour de moi qui ne se sont pas déroulés correctement autour de moi)… Bref, mettre tout en oeuvre pour protéger la vie de mon bébé et la mienne (histoire de pas faire un orphelin à la naissance…).

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      D’où la présence discrète d’un médecin évoquée dans l’article, afin de réagir en cas de soucis.

      La plupart des complications lors de l’accouchement sont provoquées par les médecins eux-mêmes. C’est ce qui explique le pourcentage hallucinant de césariennes qui tournent autour de 20% dans nos pays et qui montent à plus des 50% dans d’autres, voir 90 % dans certains hôpitaux. Lorsque les accouchements ont lieu dans le respect absolu des femmes, ce taux de césarienne descend jusqu’à 1 ou 2 %.

      Il s’agit exactement des mêmes complications que si on pratiquait ces gestes sur des mammifères. La différence est que les vétérinaires et zoologistes savent qu’il ne faut pas déranger les femelles lorsqu’elles mettent leur petit au monde, ce que les obstétriciens ignorent.

    • Hélène says:

      « L’obstétrique traditionnelle consiste à surveiller un phénomène physiologique en se tenant prêt à intervenir à tous les instants. L’obstétrique moderne consiste à perturber ledit phénomène de telle sorte que l’intervention devienne indispensable à l’heure exacte où le personnel est disponible.»
      Professeur Malinas (gynécologue-obstétricien), Le Dauphiné Libéré, 8 mai 1994

    • spir says:

      Je pense, en complément des facteurs évidents donnée par la réponse de Marie-Hélène Lahaye, que notre “éducation” mutile les corps en plus des esprits, et les deux résonnent. Je ne suis pas sûr que la plupart des femmes occidentales modernes puisse, physiquement et moralement, laisser parler et écouter leur corps, et que cela puisse agir au mieux, pour une naissance heureuse et facile.
      Bien sûr, de nombreuses femmes le font, surtout à la maison ou maintenant en maison de naissance. Mais elles ne sont pas représentives : à priori, ce sont justement celles qui ont été le moins mutilées et/ou ont réappris leur corps et leur autonomie.
      Pensez à la sexualité, qui est si semblable à l’accouchement, et tout aussi naturel. Ce n’est pas parce que c’est naturel que nous pouvons encore le faire, bien. Dans d’autres domaines, pensez à l’empathie ou la morale mutilées chez nous et même inversées dans l’idéologie libérale.

  5. Patricia Perrenoud says:

    Merci beaucoup, très bien enlevé ! Tant de choses à changer dans l’obstétrique contemporaine. A commencer par des dotations correctes en sages-femmes qui leur permettraient d’être plus patientes (cf les travaux de D. Carricaburu). Tout à fait d’accord pour une éducation et rééducation, mais en plus du Zoo qui me semble intéressant mais un peu facultatif (sauf peut-être pour ce qui concerne l’attitude du personnel ?), il serait intéressant de développer des stages en des lieux où la naissance humaine est accompagnée avec plus de respect de l’intimité et de l’intégrité corporelle. Ces lieux existent.

  6. Michèle Champagne says:

    Merci pour cet article qui situe la naissance en tant qu’acte physiologique et nous rappelle que nous sommes des mammifères qui avons le droit d’enfanter dans le respect.
    Un petit rappel de la violence qu’on fait subir aux femmes qui enfantent n’est pas de trop non plus. Enfin les mots commencent à être prononcer.
    Savez-vous qu’au Québec se tiendra les 1-2-3 août prochains un festival, le Yonifest, un festival célébrant la naissance et les femmes? http://yonifest.org/
    Chaque pas à son importance pour effacer la peur grande maître d’œuvre de ces derniers siècles et qui a permis aux hommes/femmes de contrôler le corps des femmes.

  7. PvonB says:

    Tress beau d’attaquer la médecine moderne et les obstétriciens, mais les pourcentages de mort de nourrisson a la naissance parlent plus que tout : ils diminuent avec la médecine moderne. Voilà tout. Après, plus de choix serait bien. Mais plus d’enfants vivants en bonne santé est mieux. Quand a l’élargissement du bassin des femmes (de certaines) insuffisant pour laisser passer un crâne qui a grossis considérablement y a environ 100.000 ans, c’est un fait anthropologique. Pas un délire. Donc sans césarienne pour ces femmes, cé serait la mort assurée de l’enfant et dans doute de sa mère.

    • spir says:

      Pensons un peu :
      Si les femmes ne pouvaient pas accoucher seules, tu ne serais pas là à nous écrire cela. L’humanité n’existerait pas.
      Si l’obstétrique pseudo-scientifique et technique et chimique était nécessaire, l’humanité n’aurait pas pu exister avant 1950.

  8. melanie says:

    Ok pour la mortalité périnatale, en effet c’est un ensemble de facteurs à retenir. Mais pour la mortalité des mères ? Car si les enfants sont en meilleure santé, il y a également beaucoup moins de décès en couches.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Pareil pour la mortalité des mères (cf éléments cités plus haut).
      Ce n’est pas en violentant le corps des femmes qu’on diminue la mortalité maternelle. 80% voire 90 % des accouchements se passent sans problème, pour autant que la femme ait été totalement respectée (pas de contraintes physiques, ni de pression psychologiques, ni de gestes médicaux injustifiés qui perturbent le bon fonctionnement de l’accouchement). La grande majorité des situations à risque sont aujourd’hui décelables au cours de la grossesse (mauvaise position du placenta, jumeaux, etc) et peuvent donc faire l’objet d’une attention médicale particulière au moment de l’accouchement, tout en respectant les femmes. Et en cas de situation difficile surprise, notre société dispose d’hôpitaux performant pouvant faire face aux urgences (on n’est plus à l’époque où il fallait transporter des femmes agonisantes en brouette à deux jours de marche d’un hospice).

      Le problème, c’est que l’obstétrique repose toujours sur une vision misogyne d’il y a 3 siècles qui veut que les femmes aient par nature un corps déficient et que le médecin doit se substituer totalement à leurs fonctions physiologiques pour extraire le bébé hors de leur ventre. Non seulement ce n’est pas ça qui garantit une baisse de la mortalité maternelle, mais c’est en plus d’une grande violence qui cause des séquelles physiques et psychiques importantes pour beaucoup de femmes. 6% des femmes qui accouchent développent des syndromes de stress post-traumatique qui sont ceux qu’on retrouve chez les victimes de torture et d’attentat.

  9. Saphaëlle says:

    Je ris toujours un peu jaune quand on balance l’argument de la mortalité…… Quand on sait que la France était classée 17e en mortalité néonatale en 2013 (http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/05/27/20583-mortalite-neonatale-france-tres-mal-classee).

    Par ailleurs, par expérience personnelle, je rigole aussi doucement quand on parle d’urgence dans l’intervention. En pré-éclampsie et décollement placentaire, il a fallu un peu moins d’une heure entre la déclaration d’intention de césarienne et moi couchée sur la table en train d’être ouverte. Sachant qu’il me faut 2 min en ambulance (testé plusieurs fois avec les enfants par la suite…), qu’une sage-femme qui suit le travail à domicile est là pour observer attentivement et déceler le moindre problème, que le temps que l’ambulance arrive, elle téléphone à l’hôpital pour qu’ils se préparent à l’arrivée de la parturiente, je ne vois pas où se situe le problème de timing. Même si on s’écarte de l’hôpital d’une trentaine de minutes en voiture, on est encore loin de mon heure d’attente. Sachant d’autant plus qu’un problème décelé par la SF présente uniquement pour cette parturiente, est en général décelé dès son début, alors que dans une salle de travail banale d’hôpital, si le moniteur ne signale pas le souci, les problèmes de nombre corrects de sages-femmes qui courent entre X femmes, on est pas certain que le problème soit décelé aussi rapidement (pour ma part, c’était le cas, car entrée au matin pour un commencement de pré-éclampsie).

    Enfin bref, j’avoue que quand j’entends cet argumentaire arriver sur le tapis, à présent, je balaie toujours, parce que plus trop envie de perdre de l’énergie pour rien.

    Merci, merci Marie pour ce superbe article ! Cela ne fait pas longtemps que je te lis, mais j’accroche particulièrement à ton écriture, assez brut de forme et terriblement honnête et vraie. J’aime, j’aime vraiment beaucoup te lire !

  10. olivia says:

    J’entends vos arguments sur la présence nécessaire mais discrète du médecin, et la nécessaire réappropriation de l’accouchement par les principales intéressées. Toutefois, un féminisme qui consiste à renvoyer les femmes à leur conditions de mammifère me laisse assez perplexe, après avoir passé quelque années à pourfendre l”idée d’instinct maternel qui permet de renvoyer à leur condition d’êtres incomplets et inachevés celles qui n’éprouvent pas le besoin d’avoir des enfants et de s’en occuper, d’occulter le rôle de la transmission en matière de soin aux enfants… Sans compter le père dont l’instinct devrait le pousser à retourner chasser le plus vite possible…
    Quant à la médecine, je lui suis infiniment reconnaissante de permette aux femmes de contrôler leur fertilité, de ne pas mener à terme les grossesses non désirées, de bénéficier d’une péridurale si elles le souhaitent et de préserver leur périnée en pratiquant une épisiotomie si et quand celle-ci est nécessaire. Toutes choses m’ont permis d’échapper à ma condition de mammifère, et tant mieux.

    • Katinka says:

      @Olivia: pour votre information: une épisiotomie ne permet pas de préserver la périnée. D’ailleurs, une épisiotomie n’est jamais nécessaire en cas d’accouchement naturel. Votre point de vue laisse penser que vous n’avez pas encore eu l’occasion de mettre un enfant au monde, n’est pas?

      • Olivia_via says:

        J’ai trois enfants… Et encore une fois, je souris d’un féminisme qui semble disqualifier le point de vue d’une femme “qui n’a pas encore mis d’enfant au monde”… ou peut-être ne les ai-je pas mis au monde comme il conviendrait ?

      • Sara says:

        @Katinka : une épisiotomie doit certes être évitée au maximum et ne doit jamais être systématique, mais pour avoir vu un périnée entièrement déchiré (de la fourchette vulvaire à l’anus) parce que la sage-femme n’avait pas fait d’épisiotomie, je peux vous assurer qu’elle est parfois nécessaire, même s’il est vrai qu’en France elle est encore trop fréquente. Ceci dit, même dans les pays nordiques (pour ne parler que d’Europe), on n’arrive pas à un taux zéro d’épisio.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Il ne s’agit pas d’instinct, mais de respecter le corps des femmes. Ce qu’on fait aux femmes qui accouchent est équivalent à refuser aux femmes l’idée qu’elles puissent déféquer par elles-mêmes. C’est comme si lorsqu’elles seraient confrontées à ces besoins naturels, on les obligeraient à se coucher sur le dos les jambes en l’air, sous le regard d’une assemblée de médecins, infirmières et praticiens, qu’on appuierait sur leur ventre et pratiquerait des incisions au bistouri sous prétexte des multiples dangers et complications qui risqueraient de subvenir. Je n’évoque pas du tout un quelconque “instinct d’avoir des enfants” puisqu’en tant que féministe je défends ardemment le droit à la contraception et à l’avortement.

      Concernant la contraception, si on regarde l’Histoire et l’ensemble des sociétés humaines, on constate qu’il y a eu de tout temps et partout un contrôle des naissances et une maitrise de la fertilité. Au Moyen Age, les femmes disposaient de bon nombre de connaissances sur les plantes abortives et sur les méthodes contraceptives. Un basculement à eu lieu à la fin du Moyen Age, lorsqu’un nouveau modèle de société s’est mis en place et où a eu lieu simultanément la découverte des Amériques, l’extermination des populations amérindiennes, la mise en place de la traite négrière et la chasse aux sorcières. A partir de cette date, le pouvoir politique a pris conscience de l’importance d’une population nombreuse pour assoir le pouvoir d’un pays, servant à la fois comme force de production et comme chair à canon. Les femmes ont alors été réduites à leur ventre, un contrôle a été établi sur leur corps (notamment le contrôle des femmes enceintes) et les premières interdictions de la contraception et de l’avortement ont eu lieu. La chasse aux sorcières visaient principalement les femmes libres, les vielles femmes pauvres et… les sages-femmes. Les sages-femmes qui non seulement accompagnaient les accouchements, mais en plus donnaient accès aux femmes au contrôle de leur fertilité grâce à la contraception et à l’avortement. C’est sur les cendres des buchers de sorcières que la médecine moderne et plus singulièrement l’obstétrique sont nées. Les femmes ont alors été dépossédées de leur pouvoir sur leur corps qui a été confié aux hommes des classes dominantes, dans un contexte de misogynie extrême (je ne peux que te recommander le bouquin de Silvia Federici “Caliban et la Sorcière” qui explique magistralement ce contexte historique).

      Trois siècles et 200.000 femmes torturées et exterminées plus tard, les lois contre l’avortement et la contraception ont encore été renforcées, toujours avec cette obsession nataliste. Ce n’est que grâce aux féministes que ces lois ont été abrogées dans les années 60-70. Mais les méthodes contraceptives sont pour autant restées dans les mains de la médecine et des grandes firmes pharmaceutiques, détenues majoritairement par les hommes.

      Quand on y regarde de plus près, il y a une sorte de croyance intégrée par la population, par les femmes elles-mêmes, et même par bon nombre de féministes, que la médecine peut libérer les femmes de leur corps et de leur condition inférieure. Il n’y a qu’aux femmes que la médecine impose des contrôles réguliers, humiliants, douloureux et invasifs de leurs organes génitaux et de leurs seins. Il n’y a qu’aux femmes que la médecine recommande des traitements alors qu’elles sont en pleine santé, parce que leurs règles sont irrégulières ou parce qu’elles sont ménopausées. Il y a dans la médecine une vision très misogyne qui consiste à présenter le corps des femmes comme un fardeau ou comme un danger, auquel il faut apporter des réponses souvent violentes. L’accouchement est à mes yeux le degré ultime de violence et d’emprise que la médecine exerce sur le corps des femmes.

      Enfin, pour ton exemple précis sur l’épisiotomie, je revoie à un de mes billets précédents “Epistionomie, excision, ce sexe féminin qui effraye” : http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/2014/01/10/episiotomie-excision-ce-sexe-feminin-qui-effraye/

    • spir says:

      Chapeau pour rassembler autant de “vérités” idéologiques en un si petit texte :

      Pourquoi un féminisme serait-il contre-nature ? (Je lis et dialogue avec des féministes diverses depuis longtemps et n’ai jamais entendu ça. Par contre, l’inverse, oui.)

      Le mythe des chasseurs-cueilleurs a la peau dure, même chez les anthropologues et ethnologues. D’abord, ça réduit la vie humaine à la collecte de nourriture, et ça place la chasse en premier. La chasse semble toujours avoir été un complément à une alimentation végétale elle essentielle. Et ce surtout dans des milieux pauvres et durant la mauvaise saison ; sauf cas environnemental extrême (inuits). Dans le désert australien, les aborigènes consomment plusieurs centaines de plantes (oui, des ethnographes comptent ça!). Les femmes souvent connaissent mieux les plantes et souvent aussi fournissent la majeure partie de l’alimentation. Les humains sans armes sont à peu près incapables de chasser et tuer, même une poule ! (essayez en terrain ouvert) Ils mangent bien des animaux, naturellement, sans doute : des invertébres tels insectes, mollusques…

      L’instinct maternel n’existe pas, certes, du moins pas comme on entend “instinct” historiquement. C’est une chose qui émerge naturellement avec l’enfantement, si on n’agit pas contre-nature, justement.

      Enfin, le mythe du père et de la famille. Dans un mode de vie naturel, qui est le père ? Il faut tout un système de pouvoir et l’idéologie qui va avec pour que les femmes (et enfants) soient la propriété et les esclaves des femmes. Ca n’a rien de naturel. Ou alors, qu’on nous le prouve… Mais on est en train de démontrer l’inverse, justement.
      <>

      Quant aux “verités” obstétricales que tu répètes, elles sont abondemment invalidées sur ce site même et plein d’autres.

  11. olivia says:

    Et toutes mes excuses pour les nombreuses fautes de frappe et autres maladresses de ce message tapé sur un petit écran malcommode.

  12. Juliette says:

    Marie-Hélène
    Tout d’abord je voudrais vous remercier pour l’existence de votre blog. Je suis une heureuse jeune maman d’une petite fille née en août dernier. Si je ne vous avais pas lu il y a maintenant plus d’un an je n’aurais jamais eu les yeux ouverts sur les pratiques de l’accouchement.
    Grace à l’information de votre blog, lorsque j’ai découvert ma grossesse j’ai tout fait pour trouver une alternative à l’hôpital. J’ai la chance d’habiter Paris et j’ai pu accoucher dans ce qui s’apparente à une maison de naissance. Mon accouchement non médicalisé s’est très bien déroulé, l’accueil de ma fille a été magique et doux, je n’ai pas de mots pour le qualifier (sans aucune médicalisation et avec l’aide d’une sage femme incroyable)
    Je suis particulièrement sensible à cet article car nous oublions souvent que nous sommes avant tout des animaux. Même si notre cerveau est sacrément développé, même si nous sommes très intelligents et capables de créer des oeuvres d’art, ce cerveau si complexe est dans un corps d’animal. Et quand on voit dans quelles conditions les animaux/mammifères accouchent, alors notre façon de faire est ubuesque : manque d’intimité, lumières criardes, chronométrage de l’acte, etc.
    Si accoucher était si dangereux, on ne serait pas plus de 7 milliards sur terre, dont la majorité dans des pays n’ayant pas forcément accès à autant de technologie médicale!
    Le point de vue français est particulièrement pessimiste puisqu’un accouchement n’est considéré comme normal que 2h APRES la naissance de l’enfant, alors que dans d’autres pays l’accouchement est considéré comme normal par principe.
    C’est bien dommage quand on sait que 80% des accouchements sont normaux (selon le point de vue que j’ai énoncé plus haut), c’est à dire qu’ils se sont passés sans qu’il n’y ait un quelconque problème pendant et après l’accouchement (mortalité ou morbidité de la mère ou de l’enfant). Ça veut dire 8 accouchements sur 10 qui n’auraient pas besoin de tralala médical ou d’intervention mais juste qu’on laisse les femmes accoucher…
    Dernière chose: accoucher un verbe d’action, pas un verbe passif- c’est donc bien la femme qui est le sujet de son accouchement non son objet…

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Juliette,

      Merci beaucoup pour ton message. Il me touche énormément. Par le simple fait de savoir que mes textes ont permis une naissance respectée et ont contribué à rendre la vie plus belle, ça donne tout son sens à mon travail. Vraiment, ça me fait énormément plaisir.

      Je te souhaite beaucoup de bonheur avec la petite !

      (et évidemment, je suis entièrement d’accord avec la suite de tes réflexions)

  13. Virginie says:

    Bonjour, cet article est juste ‘magnifique’.Lors des cours d’accouchement, la sage femme nous explique que non, un accouchement ne dure pas 72h comme a pu nous le raconter la tante du cousin du… Non. Ha bon ? Pourquoi pas, te dis tu innocemment à tes 8 mois de grossesse. Elle nous a également dit qu’il faut marcher, bouger le bassin pour aider lorsque le travail commence. ‘Cool, des bons conseils’.
    Il y a (bientôt) 18 mois, j’ai été faire un tour pour contractions à la maternité. Après le fameux touché, elle m’a dit que j’étais à 1, pis 1h après 1 ‘large’. Elle m’a donc gardé… Et là, commença un cauchemar sans fin, sans que je ne le sache encore.. Je suis arrivée là bas à 00h, mise en salle de naissance à 1h. Je ne saurais plus dire à quelle moment de la nuit j’ai eu ce privilège, mais, j’ai eu droit de marcher… 30 min ! A 4h du matin, une ouverture à 4, puis à 5h là même, et à 6h, toujours au même stade. Et là, ben elle t’informe qu’elle va appelé le gynéco… Tu sais comment ça va finir.. En charcuterie ! Et je ne me suis pas trompée ! 5 min plus tard elle vient m’annoncer, ce qui pour moi, aura était la pire chose de ma vie.
    18 mois après, (bon avant) je comprends le sens des paroles de la sage femme ‘un accouchement ne dure pas 72h’. Non, en effet, le corps à l’obligation de s’ouvrir d’un centimètre par heure !
    Je remercie le progrès médical, celui qui fait que la seule chose que tu voulais dans ton ‘projet’ naissance n’a pas eu lieux, celui qui fait que la journée, j’ai demandé des nouvelles de mon fils ‘par courtoisie’ comme je dis, car, non je n’avais pas envie de le voir ! Oh non ! Je remercie le foirage de mon allaitement grâce à la surprotection (au cas où la maman décide de porter plainte pour je ne sais quelle raison) sur tout, à t’inventer des maladies, à rendre malade ton enfant à la naissance, qu’il soit obligé d’être transféré dans un autre hopital, qu’on lui donne du lait artificiel en biberon, alors que toi, tu espère AU MOINS pouvoir faire ce que tu voulais, ce qui te semblait logique, l’allaitement… Celui qui fait, qu’aujourd’hui encore, à 11 jrs de ses 18 mois, je pleure encore de colère, de tristesse, et de vide en moi… Tout ça, grâce à ‘une maman n’est pas un animal, il faut tout faire médicalement’.
    Enfin, ce n’était pas, à la base, un commentaire pour pleurer à nouveau, mais de constater ce que le progrès médical fait, à l’extérieur comme à l’intérieur…

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Merci pour ton témoignage Virginie.
      Tous les témoignages sont très utiles pour faire prendre conscience de l’ampleur des violences dans les maternités.

  14. Merci encore Marie pour cet excellent article, direct et franc comme j’aime avec humour, en plus 😉 Sur un sujet aussi grave voir dramatique parfois ça fait franchement du bien d’en rire un peu et d’imaginer finalement les femmes partir accoucher dans les Zoos pour obtenir des naissances plus respectueuses… Merci je le mettrai avec grand plaisir sur le site de l’association Dans Les Bras ; ceci dit pour Facebook je constate que l’image automatiquement s’affiche est le logo du Monde et c’est moins “attirant” quand même… !

    Et puis après les larmes de rires, on pourrait pousser la caricature encore plus loin en faisant remarquer que même les animaux mettant bas dans ces lieux publics (très, très public même puisque vu par tous), ne se comportent pas “normalement” comme en liberté… Ils cherchent à se cacher désespérément aussi dans les coins, fuit regards et parfois lumières et malheureusement certaines femelles trop stressées abandonnent complètement leurs petits ensuite ! C’est idem que pour les animaux d’élevage d’ailleurs…

    En fait je suis même entrain de me dire que cela pourrait faire le sujet d’une thèse ou livre entier sur les comparaisons entre milieux “carcéraux”, les conditions d’élevage et les conditions plus ou moins optimum en Liberté…

    Finalement sous couvert d’humour ce sont des comparaisons très sérieuses et judicieuses qu’il faudrait encore creuser.

  15. Doerler says:

    Je suis pour la liberté de chacune de mener sa vie comme elle l’entend, de décider ce qui est bien pour elle et de pouvoir changer d’avis le cas échéant….je suis sage femme depuis 18 ans, dans les milieux de l’obstétrique depuis 22 ans…libérale depuis 12 ans…je suis là pour informer mes patientes et non pour décider à leur place…. Je suis pour l’accouchement avec et sans péridurale, l’allaitement au sein ou au biberon, le périnée intact et l’episiotomie, l’accouchement voie basse et la césarienne….je suis pour le respect du souhait des femmes, dans la limite du possible mais je suis aussi pour qu’on nous laisse faire notre travail et intervenir lorsque c’est nécessaire….je suis pour l’information , la communication et le respect mutuel….je suis contre les donneurs de leçon, et tous ces gens bien pensant qui culpabilisent les autres de ne pas avoir fait les “bons” choix….

    • Louis says:

      Si vous n’aimez pas qu’on vous donne de leçons, prenez-les vous-même : allez faire un tour dans un élevage et restez y un jour de mise bas, ce sera très instructif pour vous et mettra peut-être en relief vos notions de possible, de souhait, de nécessité et de besoin.

      Et moi aussi, je suis pour une bonne saignée lorsqu’elle est indiquée.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      “je suis pour le respect du souhait des femmes, dans la limite du possible mais je suis aussi pour qu’on nous laisse faire notre travail et intervenir lorsque c’est nécessaire….”

      Toute la philosophie détestable de la profession illustrée en une phrase: prétendre respecter les souhaits des femmes (juste pour se donner bonne conscience), mais imposer des limites (sur base de dogmes, pas de la science), en aucun cas modifier ses pratiques maltraitantes, et exiger qu’on laisse les professionnels poursuivre leurs pratiques.

  16. Céline says:

    Bonjour,
    Le témoignage sur cette vidéo devrait vous intéresser: https://www.youtube.com/watch?v=h5XR9mmumuI
    et celle ci est impressionante:
    https://www.youtube.com/watch?v=aC7Rw3k1lWE

    Cordialement,
    Céline

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