L’Assemblée nationale vient d’autoriser les maisons de naissance permettant ainsi à la France de rejoindre la série de pays occidentaux qui octroient aux femmes la liberté d’accéder à ce service. Car c’est bien de liberté dont il s’agit. De liberté pour les femmes de choisir leur façon d’accoucher, y compris lorsque leur désir le plus fondamental est de donner la vie à leur enfant de façon naturelle, en dehors du milieu hospitalier.
La médicalisation d’accouchements à bas risque, telle qu’elle est mise en œuvre dans de nombreux hôpitaux, s’accompagne souvent de violences inutiles envers les femmes. Celles-ci doivent y subir une succession d’actes prescrits par les protocoles perturbant leur physiologie: touchers vaginaux pratiqués plus par routine que par nécessité, obligations en terme de position, ou encore imposition de durées spécifiques de dilatation, d’expulsion et de délivrance définies plus souvent pour le bon fonctionnement du service de la maternité que pour le bon déroulement de leur accouchement, voire même des mutilations injustifiées. En outre, de nombreux témoignages de femmes dénoncent l’ambiance anxiogène des lieux, le manque de soutien et le peu d’humanité d’un personnel débordé, voire, plus grave encore, le non-respect de la loi Kouchner sur le consentement éclairé des patients pour chaque acte médical. En comparant ces pratiques hospitalières aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé en matière de soins liés à un accouchement normal, il apparaît que l’hôpital ne peut plus être considéré comme le lieu le plus respectueux de l’intégrité physique et psychique des femmes, ni le seul endroit garantissant leur sécurité maximale et celle de leur bébé. Cette course éperdue vers une concentration des naissances dans des maternités de plus en plus grandes, à la médicalisation de plus en plus poussée et inadaptée aux 90 % d’accouchements à bas risque, interpelle d’autant plus lorsque les statistiques de l’Union européenne montrent un recul de la France par rapport aux pays voisins en termes de mortalité maternelle et de nombre d’enfants nés sans vie.
Les maisons de naissances constituent une réponse d’une grande pertinence face à ces constats. Ces lieux sont gérés par des sages-femmes qui y pratiquent une approche globale de l’accouchement, c’est-à-dire un suivi prénatal non seulement médical, mais incluant les diverses formes de préparation à l’accouchement et à l’accueil du nouveau-né. Au fil des séances se tisse une relation de confiance entre la future mère et la sage-femme qui l’accompagnera tout au long du processus de mise au monde dans cet endroit chaleureux, accueillant et dont la médicalisation est la plus discrète possible. L’accouchement s’y déroule dans la douceur, la sérénité et avec un respect le plus total de la femme tant dans son intégrité physique que pour l’ensemble des aspects émotionnels intenses qu’elle vit durant ce moment exceptionnel.
Si les maisons de naissance ont mis si longtemps à être autorisées en France et ont suscité une telle opposition, c’est parce qu’elles heurtent de plein fouet la représentation sexiste que le monde politique et médical, et le grand public en général, se fait sur la place des femmes, de leur prétendue faiblesse et incapacité à poser des choix réfléchis, et sur les dangers auxquels elles s’exposeraient si elles étaient libres.
En premier lieu, les détracteurs de ces lieux de naissance invoquent la sécurité. Bon nombre d’études scientifiques internationales s’accordent pourtant sur le fait qu’accoucher en dehors de l’hôpital en étant accompagnée par une personne qualifiée ne présente pas plus de danger pour les grossesses à bas risque. Ces résultats sont d’ailleurs corroboré par les statistiques de mortalité au moins équivalent à la France, et souvent meilleurs, dans les pays soutenant non seulement les maisons de naissances mais également les accouchements à domicile. Une étude menée en Suisse sur huit années de fonctionnement d’une maison de la naissance tend même à démontrer que les femmes y sont plus en sécurité qu’à l’hôpital puisque, toutes données égales par ailleurs, elles y courent quatre fois moins de risque de voir leur accouchement se terminer en césarienne. Pourtant, les stéréotypes de genre veulent qu’une femme ne peut devoir sa protection qu’en se soumettant à un homme, et dans le cas qui nous occupe, à un obstétricien, dans une institution médicale dont la hiérarchie est majoritairement masculine. L’idée qu’une femme puisse assurer sa protection par la façon dont elle choisit de s’entourer pour donner naissance, et qu’elle soit en sécurité dans un lieu géré exclusivement par d’autres femmes, déstabilise bon nombre d’individus convaincus de la fragilité physique et mentale intrinsèque des personnes de sexe féminin.
En second lieu arrive la question de la douleur, et le fait qu’accoucher naturellement dans une maison de naissance implique ne pas faire usage de la péridurale, ce que les opposants jugent contraires aux progrès dont bénéficient les femmes. La péridurale a été une grande avancée et permet aujourd’hui à un nombre considérable de femmes de mettre leur enfant au monde en évitant des souffrances inutiles. Néanmoins, cette analgésie doit rester une technique librement choisie et une femme qui ne la souhaite pas, ne peut en aucun cas se trouver dans une situation où elle se voit contrainte de l’adopter, que ce soit par des pressions de l’équipe médicale, l’obligation de se soumettre à des actes douloureux ou encore le manque de soutien du personnel hospitalier. En effet, certaines futures mères refusent cette technique pour diverses raisons, telle que la phobie des aiguilles, d’une injection dans la colonne vertébrale ou de la perte momentanée de l’usage de ses membres. D’autres invoquent la volonté de tester les limites de leur corps comme le font les sportifs de haut niveau ou l’envie d’être totalement actrices de l’événement. D’autres enfin désirent éviter toute la médicalisation que la péridurale implique, les perturbations physiologiques qu’elle entraîne et les séquelles qui peuvent en résulter. Ces raisons sont tout à fait respectables, relèvent de la liberté individuelle et ne doivent pas être méprisées au nom d’un prétendu et incompréhensible masochisme. En outre, dans les maisons de naissance, les sages-femmes offrent généralement des techniques naturelles et efficaces de gestion de la douleur telles que l’hypnonaissance, l’acupuncture et différents types de massages et de relaxation profonde. A cela s’ajoute une atmosphère de sérénité et de bienveillance inconditionnelle qui règne dans ces lieux, rendant la douleur mieux supportable, parfois même accessoire voire inexistante.
Face à ces enjeux, l’autorisation des maisons de naissance telle qu’elle vient d’être votée apparaît comme une bien maigre avancée. Il s’agit, en effet, non pas de la création de ce service à l’échelle de la France toute entière, mais uniquement de l’expérimentation de quelques maisons de naissance, qui devront obligatoirement être attenantes à un hôpital, et dont le résultat de l’expérimentation sera évalué dans cinq ans. L’auteure de la loi, la Sénatrice Muguette Dini, avoue elle-même que ces conditions très strictes ne pourront entraîner la création que d’une dizaine de maisons de naissance sur l’ensemble du territoire. Il ne s’agit que de prototypes qui ne pourront, dans le meilleur des cas et en plein régime de croisière, accueillir ensemble un maximum de 3000 naissances par an, c’est-à-dire un chiffre dérisoire comparé aux 820.000 enfants qui voient le jour chaque année en France.
Cette loi ne doit donc être saluée non pas comme un aboutissement, mais comme un premier pas. Il s’agira non seulement d’augmenter le nombre de ces maisons pour que toute femme enceinte qui le souhaite puisse y avoir accès, mais en plus leur garantir la liberté d’accoucher dans d’autres lieux et en particulier à domicile. A ce titre, il est urgent que le gouvernement règle la question des primes d’assurances honteusement élevées, vingt fois supérieures à celles pratiquées en Belgique, tout récemment imposées aux sages-femmes libérales accompagnant les accouchements à domicile, forçant la plupart d’entre elles à abandonner leur activité devenue non rémunératrice et rendant de ce fait l’accouchement à domicile impossible pour les femmes qui en ont le projet.
Cette loi sur les maisons de naissance est une avancée dans la bonne direction, mais de nombreux combats sont encore à mener pour octroyer aux Françaises les mêmes libertés en matière d’accouchement que bon nombre d’Européennes, d’Américaines et d’Australiennes. Qu’une femme veuille échapper au pouvoir médical lors de son accouchement relève d’un droit fondamental, celui de disposer librement de son corps. Comme pour n’importe quel autre contexte de vie, chaque femme doit pouvoir pleinement décider lors de son accouchement quelles personnes ont accès à son sexe, dans quelles conditions et selon quelles modalités. Ce droit s’inscrit dans la continuité des luttes féministes qui ont, après d’âpres débats et oppositions, permis aux femmes de bénéficier de la contraception et de l’avortement, et de gagner la liberté sexuelle. La réappropriation par les femmes de leur corps au moment de l’accouchement et le libre choix de l’endroit où elles donnent la vie s’inscrivent dans le prolongement de ces combats. Au slogan « un enfant si je veux, quand je veux » doit s’ajouter l’assertion « et où je veux ».
Le vote de cette loi ne va pas révolutionner l’obstétrique française, c’est certain (et d’ailleurs Muguette Dini l’a toujours dit). Mais c’est un premier pas vers le changement, et je pense qu’il est important de le souligner, ce que fait d’ailleurs votre article. Peut-être que pour une fois, une note d’optimisme dans le titre du billet aurait été bienvenue! 😉
Anne-Emmanuuelle, maman d’un bébé CALM
Et oui, un enfant où je veux, dans la position de mon choix, avec les personnes choisies par moi, dans des conditions qui me conviennent, avec une transparence des taux d’intervention…Et oui, le taux de césarienne ou d’épisiotomie “absolument nécessaire” varie de plus du simple au double. La chirurgie c’est soit à ma demande soit si j’en ai réellement besoin pas pour faciliter la gestion du personnel le WE ! Et pour ce qui est des moyens, pas de miettes, merci autrement le choix n’est pas réellement accessible.
http://dechainees.cluster1.easy-hebergement.net/index.php?page=16f
Je ne crois pas qu’il s’agisse même d’un pas mais d’une façon de se désengager encore plus d’un véritable accouchement libre.
Ce ne sont pas des “maisons de naissance” mais un faux-semblant sous tutelle hospitalière et en cas de désaccord, un obstétricien aura le dernier mot. Où est l’indépendance ici ?
En revanche, c’est une excellente façon pour le gouvernement de se défausser des créations de VRAIES maisons de naissance sous le prétexte (fallacieux) qu’il en existe déjà ; d’autre part, les sage-femmes libérales et l’AAD sont toujours en grand danger, mais évidemment, il n’y aura pas d’avancées dans ce sens puisque les femmes ont là “une vraie alternative” à l’hôpital, quel besoin de réglementer les histoires d’assurance ?
Je ne me réjouirais certainement pas de cette loi en carton.
je suis de l’avis d’augustine pour en avoir fait les frais en gironde , les MDN n’étant pas indépendantes elles restent sous la charte et l’autorité de l’hôpital avec tout les effets que cela engendrent malheureusement.
Le Calm maison de naissance des Bluets est constituée de 3 sages-femmes libérales, actuellement, qui offrent un choix aux femmes d’un accompagnement global à la naissance. Elles ont des conduites à tenir indépendantes des Bluets, une approche physiologique de la naissance. Au lieu de diviser notre profession soyons unies. Je vous invite à venir nous rencontrer.
Pour ma part je penses que c’est un choix fait au femmes, comme l’AAD en est un.
Laetitia
Pour Sandra et Augustine : non, il ne s’agit pas de faux semblant sous tutelle hospitalière. Ecoutez les sages femmes qui y travaillent et y militent, venez voir, venez comprendre comment ça fonctionne, notamment au CALM. Les sages femmes y travaillent de manière indépendante, et hormis la location du lieu, seules les questions de transfert font l’objet d’un protocole et d’une négociation entre partenaires avec la maternité et son personnel médical. Comme d’ailleurs toutes les modalités de transfert entre structures. Ce sont les sages-femmes qui décident du transfert. Les obstétriciens n’ont pas le dernier mot, comme c’est avancé par Augustine. Non.
Je vous encourage vraiment à aller voir ce qui se passe concrètement dans ces MDN attenantes. (A Bordeaux c’est sans doute un peu différent, la structure d’ailleurs ne se revendique pas comme une MDN, elle est sous la coupe d’un directeur d’établissement hospitalier.)
Oui, ce ne sont pas encore des MDN extrahospitalières, et je suis d’accord avec l’auteure, il s’agit d’un premier pas. Mais faut-il pour autant crier haro sur les MDN attenantes ? Des femmes y trouvent un lieu où accoucher dans le respect de leur corps, dans les conditions qu’elles souhaitent. Elles y trouvent aussi un lieu de partage, un lieu qu’elles s’approprient. Les sages femmes y travaillent en autonomie, elles sont d’ailleurs en contact avec des SF qui pratiquent l’AAD, dont elles se sont inspirées pour définir leurs protocoles.
Et il existe ailleurs des maisons de naissance intrahospitalières (en Grande Bretagne, alongside midwife unit), sont elles à dénigrer parce qu’elles sont intra hospitalières ?
Le contexte français est particulier, des sages-femmes et des femmes ont tenté de monter des mdn extrahospitalières et se sont cassé les dents. Alors il faut trouver une autre voie, moins directe, mais y aller, militer, convaincre ! il y a 3 ans, il n’y avait pas ces discours dans les hémicycles sur la iatrogènie hospitalière, sur les méfaits de la surmédicalisation, sur la nécessité de prendre en compte les choix des femmes, ni sur l’AAD. Les choses avancent, même si ce n’est pas aussi vite qu’on le voudrait.
Si ce sujet vous tient à coeur, venez militer pour que des maisons de naissance extrahospitalières voient le jour, il y a beaucoup à faire ! Si on ne fait rien collectivement, rien ne se passera.
Catherine – Association CALM – CIANE – Collectif MDN
Faut-il être optimiste ou pessimiste par rapport à cette loi, telle est la question. Après des années de combat, la loi sur les maisons de naissance a pu être votée… après avoir été vidée de sa substance. Y a-t-il de quoi s’en réjouir ? Oui, à condition de la considérer comme un premier pas et à condition qu’elle n’entrave pas toutes les avancées à mener sur les autres dossiers (la question des assurances des sages-femmes qui pratiquent l’AAD est un vrai scandale).
Plus fondamentalement, le vrai problème, c’est que la France est un pays très conservateur pour tout ce qui touche au sexe, au corps et à l’égalité entre les hommes et les femmes. Quand on voit le cirque que le mariage pour tous a généré, ç’en était vraiment risible vu depuis les pays qui ont autorisé le mariage homo il y a 10 ans. Il y a tout un travail de fond pour faire évoluer les mentalités en France. Çà dépasse de loin la question des maisons de naissance. Mais bon, heureusement qu’il y a des gens qui se battent pour plus de liberté. Pour le coup, j’ai plus tendance à voir le verre à moitié plein.
Bonjour
J’aime beaucoup lire ces articles, merci. Et pourtant, je n’aime pas particulièrement lire des articles avec lesquels je ne suis pas entièrement d’accord !
non, je ne veux pas venir dire que “depuis qu’on accouche à l’hôpital, il y a moins de mort, gniagniagnia”, non, sur ce point, sur l’AAD, sur les maisons de naissances, je suis tout à fait open, voire demandeuse 🙂
Ce qui me gène dans l’histoire, c’est que tu places ce petit pas au même rang que les évolutions dites féministes telles que l’avortement et la contraception.
Je considère, pour ma part, que l’avortement et la contraception sont du même acabit que la péridurale, c’est à dire un féminisme violent pour le corps, qui, au lieu de libérer la femme, permet un nouveau moyen de pression sur elle. Il suffit d’aller sur les forum pour s’en rendre compte …
Ce petit pas, cette toute petite ouverture de notre gouvernement n’est pas du tout dans cette lancée, du moins je l’espère, si un jour elle débouche sur la facilitations des AAD et l’ouvertures des vraies maisons de naissances (il faut être optimistes dans la vie ;-)), mais plutôt dans une idée de respect du corps, respect d’un processus naturel, dans l’acceptation de la nature féminine, sous tous ses aspects. En voulant accoucher naturellement, nous refusons qu’on nous injecte des hormones artificielles, alors qu’on se battrait pour en avaler une petite dose chaque soir ? ça ne te paraît pas un peu contradictoire ?
J’ai conscience que mon point de vue puisse paraître totalement réac, et je m’attends pas à me faire encenser. J’espère en revanche qu’on respecte le fait que je pense autrement, et que mes paroles puisse faire un peu réfléchir, sans forcément infléchir 😉
Continuons nous battre pour pouvoir accoucher où bon nous semble !
Ce qui est fondamental, c’est la liberté pour la femme. Chaque femme doit avoir le droit et la liberté de prendre un moyen contraceptif et d’avorter. Mais elle ne peut en aucun cas être contrainte à le faire.
Il en est de même pour les techniques autour de l’accouchement. C’est très bien que la péridurale existe, et qu’elle puisse permettre à des femmes d’accoucher sereinement plutôt que dans une incommensurable souffrance (c’est le cas pour certaines femmes). C’est formidable qu’aujourd’hui, une césarienne ne signifie plus la mise à mort de la femme pour sauver son bébé, mais qu’il s’agisse d’une opération presque banale qui peut sauver tant la mère que son enfant. Mais exactement comme pour la contraception et l’avortement, il est essentiel que la péridurale et la césarienne soient un droit et une liberté, et ne peuvent en aucun cas être imposées à la femme (imposées de façon directe, ou par tout un système de pressions et de contraintes qui font qu’elle se trouve dans une situation où elle ne peut plus refuser).
Il en est de même pour les lieux de naissance. Accoucher à l’hôpital, en maison de naissance ou à domicile relève d’un droit et d’une liberté. Une femme ne peut pas être obligée d’accoucher dans un lieu où elle ne se sent pas en sécurité. Pour une série de femmes, l’hôpital n’est pas un lieu sûr en raison notamment des violences qu’elles risquent d’y subir.
Quand tu parles d’acceptation de la nature féminine, c’est très bien, à condition qu’il s’agisse d’un choix. Une femme qui ne veut pas d’enfant et qui, privée de contraception, ne parvient pas à éprouver du plaisir pendant une relation sexuelle en raison de la peur d’être enceinte, a du mal à accepter sa “nature féminine” (à moins de considérer que dans ce cas, sa nature féminine lui interdise du plaisir, idée que j’ai du mal à défendre).
Donc, la liberté avant tout. Y compris, pour toi, la liberté de respecter totalement le processus naturel.