Tu seras violée et tu mourras en couches, ma fille

Le viol et l’accouchement ont un point en commun, ils permettent, par la façon dont ils sont traités par la société, une domination complète des femmes. Dans les deux cas, tout est mis en place pour limiter leur liberté, les exposer aux violences et les rendre coupables de celles-ci. En effet, les messages envoyés aux filles puis aux femmes par leur entourage, par les médias, par les professionnels et surtout par toutes les personnes qui leur veulent du bien, s’appuient sur des mythes et des mensonges qui ont pour effet de leur imposer soumission et obéissance.

Tout commence par ces mises en gardes bien intentionnées adressées aux adolescentes. Les « fais attention quand tu sors », en passant « ne t’habille pas comme ça » jusqu’aux « demande à quelqu’un de te raccompagner » sont autant de références au petit chaperon rouge et à toutes les jeunes femmes ayant croisé ce mystérieux inconnu qui les a violées et trucidées dès qu’elles ont franchi leur pas-de-porte. Pour l’accouchement, les mises en gardes sont encore plus directes, avec longues descriptions de supplices et d’agonies de futures mères fauchées dans la fleur de l’âge par un mal tout aussi mystérieux. L’objectif est simple, il s’agit de brandir l’arme de contrôle et de domination la plus puissante : la peur.

La logique voudrait que, face à des dangers, les conseilleurs avisés dotent les femmes d’outils permettant d’y réagir et de sauver leur peau. Tous ces gens aux nobles intentions pourraient les initier aux stratégies d’autodéfense, à des méthodes pour affronter des situations difficiles, et à une pleine conscience de toutes leurs capacités physiques, psychiques et intellectuelles au cas où elles seraient confrontées aux périls tant évoqués. Mais rien de tout cela. Les filles sont au contraire éduquées dans l’idée qu’elles ne sont que des êtres faibles, au corps défaillant et à l’âme éthérée. Elles apprennent dès leur plus jeune âge qu’elles ne sont que de petites choses fragiles et sans défense dans cet abîme de viols et de tourments lié à leur condition de femme.

La première conséquence de ce discours est la limitation de leur liberté. Hors de question de sortir où elles veulent, à l’heure qui leur convient, seules ou avec les personnes de leur choix, puisqu’un violeur est tapi à chaque coin de rue. Hors de question d’accoucher comme elles en ont envie, à l’endroit qu’elles désirent, accompagnées d’une professionnelle qu’elles apprécient, puisqu’un mal aussi sournois que terrifiant peut s’abattre sur elles à chaque instant. Alors les femmes s’enferment dans les lieux que la société patriarcale leur assigne en les présentant comme les plus sûrs pour les poupées de porcelaine qu’elles sont: le foyer pour leur quotidien et l’hôpital pour leur accouchement.

La deuxième conséquence de ce climat anxiogène est la consigne faite aux femmes de se placer sous la protection d’un homme: le mari pour les défendre dans l’espace public contre les assauts des autres hommes, l’obstétricien pour les sauver d’une agonie presque certaine lorsqu’elles donnent naissance. Cette protection implique inévitablement une soumission.

Une autre similitude dans la façon dont notre société appréhende le viol et l’accouchement est le caractère irrationnel dans la perception des risques. Dans l’imaginaire collectif, le lieu le plus dangereux pour une femme serait un parking désert, la nuit, où un violeur pourrait donner libre cours à ses pulsions. Or ce scénario ne représente que 0,6 % des viols en France , l’écrasante majorité (67,7%) ayant lieu au domicile de la victime ou de l’agresseur. Le foyer comme endroit le plus sûr pour les femmes est donc un mythe.

Évolution de la mortalité maternelle de 1870 à 1993 en Suéde, aux Etats-Unis et en Angleterre-Pays de Galles: la chute de la mortalité après 1945 s'explique par la mise au point des antibiotiques, de la perfusion sanguine et de la césarienne  (Wim Van Lerberghe, Vincent De Brouwere, 2001)

Évolution de la mortalité maternelle de 1870 à 1993 en Suéde, aux Etats-Unis et en Angleterre-Pays de Galles: la chute de la mortalité après 1945 s’explique par la mise au point des antibiotiques, de la perfusion sanguine et de la césarienne (Wim Van Lerberghe, Vincent De Brouwere, 2001)

Les risques liés à la mortalité en couches reposent également sur des fantasmes, comme celui qui veut qu’une jeune femme en pleine santé, dont la grossesse s’est merveilleusement déroulée, voit la naissance de son enfant virer en un instant à l’horreur alors que rien ne le laissait présager. L’Histoire nous démontre pourtant que ce qui a fait chuter la mortalité en couche n’est pas le fait de donner naissance sur une table d’opération, entre des machines bruyantes et des bistouris. Il s’agit surtout, depuis le XIXème siècle, d’une amélioration générale des conditions de vie et de la santé de la population (en 1900, l’espérance de vie en France était de 45 ans et 15% des bébés mourraient avant l’âge d’un an) et de la découverte de la théorie microbienne et de l’asepsie qui ont permis de lutter contre la dévastatrice fièvre puerpérale. Dans l’immédiate après-guerre, la mortalité maternelle a continué à chuter grâce à la mise au point des antibiotiques, de la transfusion sanguine et de la technique de la césarienne. La présence d’une sage-femme qualifiée auprès des parturientes a également contribué à la réduction des risques, indépendamment de l’endroit de la naissance. Depuis les années 1960, et malgré une surmédicalisation continue, la mortalité en couche n’a plus diminué que de façon marginale. Aujourd’hui, la France compte un taux de mortalité maternelle de 10,3 sur 100.000 naissances vivantes. La moitié des femmes qui meurent en couche le sont en raison de soins jugés « non optimaux », c’est-à-dire non conformes aux recommandations de pratiques et aux connaissances actuelles. L’accouchement comme activité intrinsèquement dangereuse et l’hôpital comme seul lieu sûr pour sauver les femmes enceintes sont donc aussi des mythes.

L’invocation du viol comme de l’accouchement pousse donc les femmes à se placer sous la protection d’un homme, le mari ou l’obstétricien, qui sont en réalité les premières personnes risquant de leur infliger des violences. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon. Les femmes de plus de 40 ans qui ont eu un premier rapport forcé après 18 ans déclarent dans 35 % des cas que l’auteur de l’agression était un conjoint ou un partenaire. La quasi-totalité des femmes qui accouchent subissent différentes formes de violence verbale et/ou physique de la part de membres de l’équipe médicale. Il s’agit notamment d’une position imposée, des injections non médicalement justifiées, des touchers vaginaux inutiles comme autant d’agressions sexuelles, jusqu’aux mutilations génitales que sont les épisiotomies, tout cela sur fond de mépris et d’humiliation. Le degré de violence et de déshumanisation est tel que 6 % des femmes développent un syndrome de stress post-traumatique après leur accouchement, c’est à dire les mêmes troubles que des victimes d’attentat, de torture ou que des soldats revenant d’Irak ou d’Afghanistan.

Enfin, et c’est bien là toute la perversité des sociétés basées sur la domination masculine, les auteurs de ces violences sont non seulement peu identifiés et peu poursuivis, mais en plus les femmes sont considérées comme coupables de ce qu’elles subissent. Une femme violée sera interrogée sur la façon dont elle était habillée, sur ses fréquentations, sur les raisons de sa présence à tel endroit. Une inquisition est mise en place pour démontrer qu’elle « l’avait bien cherché » et dédouanant le violeur. Une parturiente ayant subi les assauts sur son corps de différents praticiens ayant perturbé son accouchement jusqu’à rendre nécessaire une extraction instrumentale ou une césarienne d’urgence, est considérée comme incapable de mettre au monde son enfant. Elle est accusée d’être l’unique responsable de la cascade d’actes médicaux qui l’ont mutilée, en raison de son anatomie inadéquate, en disculpant totalement les médecins et leurs pratiques médicales violentes et contraires aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé. Depuis Eve, c’est simple, les femmes sont toujours coupables.

Dans notre société qui se veut égalitaire, il est temps d’arrêter de faire peur aux femmes sur le mode « tu seras violée et tu mourras en couches » aussi paralysant que générateur de violences. Il est urgent d’abandonner les mythes et croyances sexistes emprisonnant les femmes. Si nous voulons réellement lutter contre les viols, il est plus efficace, non pas d’angoisser les filles, mais d’apprendre aux garçons à ne pas violer. Il est en outre essentiel de rendre confiance aux femmes dans leur capacité à enfanter et leur donner des informations correctes et des conseils basés sur la science et la recherche. Les principaux risques de l’accouchement sont aujourd’hui les violences que subissent les parturientes dans les hôpitaux. L’enjeu est donc aussi d’apprendre aux obstétriciens à ne plus maltraiter les femmes.

 

Sources:

Alain Bauer, Christophe Soullez, « La criminalité en France, rapport 2012 de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales », synthèse du rapport 2012.

Jean-Claude Chasteland, « Évolution générale de la mortalité en Europe occidentale de 1900 à 1950 », Population, année 1960, volume 15, n°1, pp. 59-88.

Crêpe Georgette, « Tu seras violée ma fille », 2013.

Gisèle Greco Geffroy, « Etat de stress post-traumatique lié à l’accouchement et algies pelviennes chroniques », thèse pour le diplôme d’État de docteur en médecine, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, 2005.

Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM), « Mortalité maternelle : diminution de la mortalité par hémorragies », novembre 2013.

Roland Pressat, « Manuel d’analyse de la mortalité », Organisation mondiale de la Santé,

Anaëlle Sorignet, « L’espérance de vie a fait un bond spectaculaire ces 100 dernières années », Notre-Planete.info, juin 2013.

SOS Femmes, « Viol, les chiffres ».

Wim Van Lerberghe, Vincent De Brouwere, « Of Blind Alleys and Things that Have Worked: History’s Lessons on Reducing Maternal Mortality », In: De Brouwere V, Van Lerberghe W. Safe motherhood strategies: a review of the evidence. Anvers (Belgique), ITG Press, 2001 (Studies in Health Services Organisation and Policy, 17:7–33).

 

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15 Responses to Tu seras violée et tu mourras en couches, ma fille

  1. dophinel says:

    C’est un tableau bien noir que tu brosses …

    Bien sûr il faut recommander la prudence, mais pourquoi seulement aux femmes ? Les hommes aussi sont agressés !

    Quant au climat délétère de l’accouchement à l’hôpital, peu de femmes que je connais ont des reproches à faire à l’équipe médicale. Il est certains que des professionnels se conduisent parfois très mal, et que dans certains services c’est une façon d’être et pas des erreurs isolées … mais il ne faut pas noircir le trait non plus …

    Bien des choses peuvent être faîtes pour améliorer les choses et c’est là-dedans qu’il faut mettre son énergie si on veut que les choses évoluent favorablement … la critique pour la critique et surtout la généralisation, ça n’aide en rien …

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Bien sûr que les hommes sont également agressés, et même bien plus que les femmes dans l’espace public. La différence, c’est que notre société n’éduque pas les garçons à rester à la maison, à faire attention à la façon dont ils sont habillés, au fait que leur corps et leur simple présence à l’extérieur les expose à de la violence. Les garçons sont au contraire éduqués à affronter les risques et se défendre (parfois trop). Ils ne vivent donc pas dans cette peur et cette privation de liberté.

      Certes, tous les professionnels de la naissance ne pratiquent pas de violences extrêmes. Mais très rares sont ceux qui ne brandissent pas la peur. Ca me frappe toujours d’entendre des gynécologues, y compris ceux un peu sensibles à la naissance respectée, parler en premier lieu de risques et de dangers. Ils sont exceptionnels ceux qui partent du principe qu’un accouchement se passe bien, et que les problèmes ne concernent que l’exception. C’est cette culture de la peur que j’ai voulu mettre en évidence dans mon billet.

    • Hélène SCHOLL says:

      Si les hommes devaient subir le quart des violences que le corps médical inflige de manière presque routinière aux femmes en train d’accoucher, je suis certaine que les médias auraient depuis longtemps dénoncé ce scandale, que les tribunaux crouleraient sous les plaintes et qu’on ne compterait plus le nombre de médecins radiés par le Conseil de leur Ordre…

    • Jo says:

      la question de savoir si la femme enceinte est satisfaite des conditions de prise en charge de sa maternité est biaisée. Une femme qui ne sait pas, qui n’imagine pas, qui a été formatée pour penser que la seule voie possible est celle de la médicalisation, sera en effet ravie: elle n’est pas morte, son bébé est sorti, donc tout s’est bien passé. Et s’il y avait eu une complication, plutôt que d’en chercher la cause, elle sera reconnaissante au corps médical de l’avoir sauvée. Si elle rate son allaitement, elle remettra en cause son lait qui n’est pas bon ou pas assez abondant, comme on le lui a dit a la maternité, mais jamais la puéricultrice qui lui a fait donner des biberons à même pas 48h de vie.
      A côté de ça, une femme qui cherche autre chose, sera parfois écoutée, souvent ignorée, et régulièrement menacée. L’anesthésiste, quand je lui ai expliqué que je le voyais “en cas de pépin” mais que je ne pensais pas avoir besoin de péridurale le jour de mon accouchement, m’a répondu du ton le plus méprisant “ah ouais c’est la nouvelle mode bobo ça, l’accouchement dans la douleur. Mais vous savez pas ce que c’est, quand ça vous arrivera, vous ferez comme elles font toutes, vous m’accueillerez comme le messie”. Le gynécologue à qui je disais que je ne préférais pas avoir d’épisiotomie malgré le risque connu de déchirure, m’a répondu “oui vous dites ça, mais moi j’en ai vu aux urgences, des femmes déchirées jusqu’à l’anus et incontinentes jusqu’à la fin de leur vie. Alors a mon sens, il vaut mieux une petite coupure et quelques points”. La 1ere sage femme rencontrée pour l préparation à la naissance m’a gentiment dit qu’elle comprenait mon choix d’accouchement, mais que c’était une demande tellement peu fréquente, qu’elle ne savait pas vraiment comment me préparer à ça, et qu’elle allait quand même me parler de péridurale “au cas où”. Et de fait, ne m’a jamais donné la moindre indication sur comment et quand pousser.
      Tout ça pour dire que la femme enceinte qui choisit de “rester dans les rangs” et suivre la médicalisation qu’on lui présente, sera rassurée et accompagnée. Mais s’il y a une complication, jamais personne ne lui dira qu’elle aurait peut etre pu être évitée, en médicalisant un peu moins. Et la femme qui cherche à s’informer, elle, sera souvent assez mal reçue par le corps médical en général (qui ne souhaite pas perdre son emprise? qui est mal formé à la physiologie? qui travaille dans des conditions ne permettant pas ce type de prise en charge? qui préfère se couvrir pour des raisons légales et d’assurance? peu importe), et devra trouver ailleurs des sources d’information. Puis justifier abondamment ses choix, accepter qu’on la traite d’inconsciente… Et pour avoir le suivi et la préparation qui lui conviennent, elle devra souvent beaucoup chercher et se renseigner avant de trouver le soignant avec qui elle pourra avoir la relation qu’elle recherche.

      • Hélène SCHOLL says:

        Une vision bien pessimiste… Le problème, c’est que tu as surtout eu affaire à des GROS CONS. Et pour ne m’appuyer, moi aussi, que sur mes expériences personnelles, j’ai eu au contraire le sentiment que le personnel médical était agréablement surpris de constater que j’avais des questions à poser – et il y a répondu de bonne grâce – et des demandes à formuler. On ne m’a pas infantilisée, ni menacée, on ne m’a pas jugée sur mes choix, et on a fait en sorte qu’ils puissent être respectés, dans la mesure du possible. Et, discutant avec des SF dans le gros “niveau 3” où j’ai accouché, j’ai pu constater qu’elles-mêmes déploraient le fait que la plupart des femmes étaient passives, ne posaient jamais de questions et se laissaient accoucher plutôt que de prendre en main leur accouchement. SAVOIR, c’est POUVOIR. Tant qu’on reste dans l’ignorance, on ne peut s’affranchir de la domination exercée par le corps médical sur le corps féminin. Et je ne suis pas du tout certaine que le manque d’information permette aux femmes de se satisfaire d’un accouchement inutilement surmédicalisé. Une femme qui a été violentée et réduite à l’impuissance au cours de son accouchement et dont l’allaitement a été un échec peut chercher à dédouaner l’équipe médicale de ses responsabilités parce que c’est peut-être plus facile de se dire qu’elle a été mal accompagnée et mal conseillée et que les choses auraient pu se passer autrement. Mais je pense qu’elle est surtout dans le déni et que, plus ou moins consciemment et sans vouloir l’exprimer à haute voix, elle sait que ce qui s’est passé n’est pas normal. Mais cette prise de conscience est douloureuse, d’où le désir de s’aveugler volontairement pour ne pas avoir à y faire face…

  2. Kapik says:

    Bonjour,

    Concernant les violences faites aux femmes par le corps médical, je crois que l’une des raisons qui font que l’on n’en entend pas autant parler qu’il le faudrait, c’est qu’on a été tellement éduquées au fait qu’elle soient normales qu’on ne se rend plus compte qu’il s’agit de violences.

    L’exemple que je donnerais est le mien (je suis quelqu’un qui a eu la chance d’être élevée dans un climat de respect, de féminisme et de bienveillance) : pendant des années, je suis allée chez le gynéco, ai mis mes pieds dans les étriers et écarté les cuisses, comme nous toutes. J’ai subi les touchers faits sans prévenir et de façon automatique, les insertions d’objets froids et introduits de façon parfois brutale … mais je me disais que c’était normal, qu’il fallait bien ça puisque j’étais chez le gynéco, etc. Et puis je suis devenue enceinte (je tiens beaucoup à ce qu’on devienne enceinte, et qu’on arrête enfin de tomber), et j’ai été suivie par une sage femme libérale. Et là, j’ai découvert quelqu’un qui non seulement m’expliquait pourquoi elle pensait utile d’introduire ses doigts ou ses instruments dans mon vagin, mais surtout qui ME DEMANDAIT LA PERMISSION avant de le faire. J’ai découvert que je pouvais refuser ces gestes (chose que je n’ai pas faite, je lui faisais confiance sur leur utilité). Elle me demandait si j’étais prête, me disait qu’on pouvait faire une pause ou arrêter à tout moment si j’étais gênée … Enfin j’ai découvert ce que c’était qu’être respectée dans son corps de femme.
    Pour le parallèle avec l’accouchement, la première chose qu’elle m’ait dite, c’est que notre corps sait faire, qu’il faut lui faire confiance, et qu’elle serait là pour détecter les problèmes s’il devait en avoir, mais que ma partie était de vivre ce pour quoi je suis faite.

    Alors évidemment, maintenant que j’ai découvert le respect dont on peut être gratifiée, et qui devrait nous être du, je ressens vraiment comme une agression les gestes brutaux et faits sans demander la permission que pratiquent une grande partie des praticiens. Je crois sincèrement que ceux et celles ci les pratiquent dans le même cadre que nous : ils ne veulent pas consciemment nous humilier ou nous brusquer, ils pensent juste que c’est normal. De la même façon que certains hommes pensent normal d’obliger leur femme à avoir des relations sexuelles, ou qu’on ne peut plus dire non si on a commencé par dire oui.

    Bref, merci pour cet article, et je suis oh combien d’accord : éduquons nous, et apprenons que ce n’est pas normal, qu’on peut faire autrement !

  3. erulelya says:

    J’adhère aux idées de ce texte (et de tout ton blog en général^^), mais cette partie là est très difficile à lire pour moi : “L’accouchement comme activité intrinsèquement dangereuse et l’hôpital comme seul lieu sûr pour sauver les femmes enceintes sont donc aussi des mythes.”

    Qu’on s’entende, je suis à 100% en faveur de l’information, de la remise en question des pratiques médicales, de l’AAD, des maisons de naissance et du retour de l’actrice principale au centre de la naissance. Je suis aussi consciente que la pensée de ce blog est généraliste et volontairement percutante, Mais je ne peux plus affirmer aujourd’hui que la mort en couche de façon subite et inattendue est un mythe de gynobs, je veux bien admettre que ce soit rarissime mais ça existe, mon fils et moi en sommes la preuve.

    Deuxième grossesse à 24 ans qui se passait super bien, rien à signaler même pas une tension un peu haute, rien. L’accouchement s’est aussi passé comme je le voulais, juste moi et la sage-femme, sans aucun médicament, même pas une petite perf, pas de monito mais une sonde tenue par la sage femme pour écouter bébé de temps en temps et deux TV uniquement sur ma demande. Libre choix de positions, aucune injonction de rien du tout, juste de la bienveillance et la sage-femme qui me répétait régulièrement que c’était moi qui savait, qu’elle me faisait confiance et qu’elle me suivait. Mon bébé est né en 12 heures et quelques poussées. Le placenta est bien sorti entier, on m’a laissé tranquille deux heures, mon fils à pris sa première tétée en paix, on l’a rapidement examiné sur mon ventre et c’est tout. Et au bout de deux heures alors que rien ne le laissait présager tout a basculé, j’ai juste eu le temps de dire que j’avais chaud et me sentais mal, j’ai senti un liquide chaud entre mes jambes, la sage femme a couru pour m’injecter quelque chose dans le bras et j’ai perdu conscience. Mon mari m’a raconté qu’en 5 min tout le personnel de l’étage a débarqué, j’ai perdu 1.5L de sang en quelques minutes. La cause ? Utérus trop fatigué pour se rétracter. d’habitude on incrimine le synto, mais j’en avais pas reçu. Aujourd’hui je me dis, heureusement que j’étais à l’hôpital.

    Pour autant je ne dirais jamais “tout le monde à l’hôpital”, je suis consciente que mon cas est hyper rare, mais il y a quand même une différence entre “c’est un mythe” et “possibilité proche de 0”.

  4. Marie-Hélène Lahaye says:

    Effectivement, à titre individuel, on trouve toujours des contre-exemples. Exactement comme lorsque les chiffres de criminalité montre que 0,6% des viols ont lieu la nuit dans un parking désert (alors que dans l’imaginaire collectif, c’est là où les risques sont les plus grands), il y a forcément 0,6% de ce type de viol.

    Concernant ton expérience, effectivement, une hémorragie de la délivrance peut toujours se produire, même en ayant tout à fait respecté la parturiente. Ceci dit, dans le cadre de l’accouchement à domicile ou en maison de naissance, les sages-femmes disposent de moyens permettant d’arrêter une hémorragie, ou du moins de la limiter le temps du transfert. Notamment par l’administration d’ocytocine après l’expulsion, ce qui retonifie l’utérus. Même si c’est moins théâtral que tout un hôpital qui débarque dans une salle d’accouchement, les sages-femmes sont formées pour faire face à ce genre de problèmes, elles disposent d’un équipement médical, et ne sont pas réduite à être des spectatrices impuissantes devant une femme qui agonise dans son sang.

    L’écrasante majorité des décès en couches ont lieu à l’hôpital. Et l’écrasante majorité des séquelles post-accouchement proviennent des gestes médicaux inadéquats. Tu mentionnes l’administration du synto. Effectivement, pour accélérer le travail et libérer les salles d’accouchement, les médecins injectent cette hormone artificielle en intraveineuse. Résultat: un nombre décuplé d’hémorragies de la délivrance. Certaines hémorragies sont bien plus graves que si ces injections n’avaient pas lieu, au point que le seul remède pour sauver la femme consiste à lui retirer l’utérus. Stérilité définitive, choc psychologique pour la femme, mais ça n’apparait nulle part dans les chiffres de santé périnatale. Bien peu de femmes à qui cette violence et cette mutilation ont été infligées savent qu’elles sont dues à l’administration de synto pendant le travail. Elles sont au contraire convaincues qu’elles n’étaient pas capables d’accoucher et que la médecine les a sauvées.

    C’est précisément le sens de mon propos dans mon billet. Les mensonges généralisés autour des risques réels et les mythes qui veulent que les femmes soient au final responsables de ce qu’ils leur arrive, que ce soit des violences sexuelles ou obstétricales.

    • erulelya says:

      Le plus drôle c’est que cette naissance à failli avoir lieu à la maison, j’étais donc bien renseignée sur le matériel qui est dispo à la maison et du temps de transfert (moins de 10 min chez moi) sauf qu’au dernier moment j’ai préféré aller à l’hôpital. Et la sage-femme hospitalière m’a expliqué la même chose que toi, que maison ou pas ça n’aurait rien changé, si ce n’est que le transfert n’aurait pas été confortable en plus du stress subi pour bébé et moi. Enfin bref, bien contente que tout soit terminé et que mon troisième accouchement ce soit bien passé, tout aussi naturellement, mais toujours à la maternité pour bénéficier du protocole anti-hémorragie après la délivrance. Parce que toute façon, j’avais pas le droit d’accoucher à domicile ou en MdN avec de tels antécédents.

      Pour le reste, j’ai l’impression que c’est très propre aux pratiques Françaises. J’habite en Suisse et le suivi est bien différent.

      Enfin, tout ce que je souhaitais souligner c’est cette phrase et surtout ce mot “mythe” qui évoque quelque chose de fantasmé qui n’existe pas, or la mort en couche sans intervention invasive de la médecine en amont existe. Si l’écrasante majorité des décès en couches se produisent à l’hôpital c’est aussi parce que l’écrasante majorité des femmes accouche à l’hôpital, question de statistique.

  5. Cela dévie un peu du sujet (quoique…), mais comme tu dis “(…) il est plus efficace, non pas d’angoisser les filles, mais d’apprendre aux garçons à ne pas violer”, je me permet de partager le lien suivant :
    http://projetcrocodiles.tumblr.com
    et une explication du pourquoi du comment de ce projet : http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20131029.OBS3151/projet-crocodiles-avec-de-vrais-morceaux-de-harcelement-de-rue.html
    Sur le billet, rien à dire, si ce n’est que je trouve comme souvent ton analyse très choquante mais finalement pleine de justesse.

  6. Marion says:

    Merci pour ce billet super intéressant à lire.

    Tout à fait d’accord sur ces transmissions aux femmes de peurs fantasmées, qui orientent nos comportements et finissent par inconsciemment peser lourd dans nos vies.

    En ce qui concerne l’accouchement hospitalier en France je suis entièrement d’accord qu’il y a indéniablement des abus de pouvoir permanent du corps médical sur le corps des femmes, leur manière de mettre au monde les enfants de vivre leur grossesse, une avalanche de gestes invasifs, administrations de thérapeutiques non justifiés et justifiables sur un plan physiologique…Mais je ne pense pas que ce soit du fait de l’hôpital.
    Je vis au Danemark où j’ai accouché à l’hôpital public et où les choses sont bien différentes: un vrai accompagnement avec une sage-femme tout au long du travail, un faible taux de péridurale (autour de 30%), un taux encore plus faible d’épisiotomie qui n’est pratiquée que dans sa “vraie” indication (urgence vitale concernant l’enfant), d’autres techniques antalgiques que la péridurale effectuées par la sage-femme elle même durant le travail, et si tout se passe bien on ne voit pas d’obstétriciens.
    En ce qui concerne le suivi de grossesse, rdv réguliers avec la sage-femme mais SANS aucun toucher vaginal durant les 9 mois lorsque la grossesse se passe normalement, très peu de prises de sang également par rapport à la France.
    Et les choses se passent juste aussi bien qu’en France ou peut être mieux je ne sais pas, au final on se rend compte qu’il y’a tout un tas de trucs au mieux superflus, ou pire infantilisants, agressifs et invasifs, sans parler du coût ahurissant pour l’assurance maladie de cette débauche de rdv etc., soins qui ne fait selon moi aucun sens non plus …

    Je suis tout à fait d’accord avec Jo que quand on ne sait pas, c’est dur d’imaginer autre chose. Au début du suivi ici, j’étais un peu surprise, parfois inquiète du peu de prise de sang, d’examens, de discours même sur l’accouchement car c’est tellement dans le “standard” français, que c’était ce à quoi j’étais confrontée, en reflet avec le système danois, quand je parlais à mes amies en France. Maintenant si j’ai un jour au autre enfant je ne peux pas imaginer autre chose que ce j’ai vécu au Danemark, qui est bien different de le France.
    Je pense que le principal problème (en plus de l’abus de pouvoir réel du corps médical sur les femmes) c’est comme Marie Héléne l’écrit cette culture du risque.
    C’est quelque chose que les pays anglo- saxons n’ont pas du tout, et que nous pays latins j’ai l’impression avons vraiment fort dans tout le système de santé.
    Cette culture du risque obstétrical permanente qui fait que les gynéco ne veulent pas “lâcher l’affaire” et laisser les accouchements non compliqués aux sages-femmes (il y a aussi sûrement des raisons financières et de pouvoirs à conserver), qu’on aborde en effet toujours l’accouchement sous l’angle des complications éventuelles au lieu de juste expliquer dans un premier temps physiologiquement ce qui se passe; et l’état de grossesse comme une pathologie dont il faudrait mesurer, contrôler l’avancée, les effets associés.
    Et puis on sous-estime aussi l’importance de la confiance et la connaissance dans son corps, dans ses ressources personnelles à la fois physiologiques et mentales. C’est quelque chose dont on ne parle jamais, et qu’on découvre sur le moment du travail, de l’accouchement, si et quand on a la chance d’un accouchement respecté. C’est pourtant quelque qui aiderait les primipares, savoir qu’il y’a des mécanismes physiologiques qui se déclenchent spontanément pour faire face à la douleur etc..
    Je pense aussi que le rapport au corps des pays d’Europe du Sud est différents des pays d’Europe du Nord, ça peut expliquer aussi l’écart…

    Apres je pense qu’il est un peu dur de dire Hélene Scholl que les femmes n’ont qu’a se renseigner, poser des questions, ne pas être passives etc, même si je suis entièrement et complètement d’accord avec toi “savoir c’est pouvoir”, ça n’est pas facile et possible pour toutes les femmes d’ oser s’adresser directement au corps médical, d’oser se demander ce qu’elles souhaiteraient pour leur grossesse et accouchement, il y a certaines classes sociales où c’est pas si simple et du coup ces femmes là, quoi? alors elles subissent les violences médicales, la systématisation d’actes non nécessaires bref des accouchements “maltraités” si on peut dire parce qu’elles n’ont pas su formuler des choses ?

    Je suis d’accord avec Eruleya c’est très propre au pratiques françaises et je suis autant favorable à l’établissement de pratiques complétement différents au sein même de l’hôpital que le développement de l’accouchement à domicile.
    Je suis d’accord, l’accouchement est un mécanisme bien “rodé” mais le moindre petit grain de sable qui vient l’enrayer peut aller très vite. J’étais à la fois confiante mais avait aussi très très peur d’accoucher, quand on voit historiquement la mortalité des femmes en couche. J’étais à ce titre rassurée d’accoucher à l’hôpital, il me semble que ça en serait de même si je devais réaccoucher.
    Est-ce que la peur d’accoucher est pas aussi “fondatrice” quelque part ? Je parle d’une “bonne” peur celle qui fait prendre les devants, se renseigner, se préparer, qui pousse à l’action
    Ce serait intéressant de lire un billet là dessus 🙂

    • melmelie says:

      Je rebondis sur tes dernières lignes. Pour ma part je n’ai jamais, jamais eu peur d’accoucher; je ne sais pas pourquoi cela m’a toujours paru aller de soi, même si j’appréhendais un petit peu la première fois ce que mon corps allait faire de lui-même. En revanche la “peur” qui m’a poussée à me renseigner, à lire des choses… est celle que m’ont inspirée les protocoles médicaux dont j’avais entendu parler et en premier lieu l’épisiotomie. Quand j’ai lu et découvert tout ce que cela impliquait d’accoucher – au sens : tout ce qu’on allait me faire ; j’ai blêmi, je me suis révoltée et j’ai cherché à comprendre, me renseigner, non pas poussée par une bonne peur, mais par une terrible angoisse ; ce que j’ai cherché, c’est comment éviter tout cela. Je n’y suis pas complètement parvenue pour mon premier enfant parce que j’étais déjà trop embrigadée, d’une certaine manière ; mais pour les suivants j’ai réussi à franchir le cap et à ne pas me rendre en structure. Cependant je n’y serais jamais arrivée seule, tant l’éducation est forte en tant que fille que le médecin est indispensable et que son avis est maitre. Que seule, on n’est capable de rien.

      merci à nouveau pour ce billet Marie-hélène, avec lequel je suis en accord en tout point, tu ne peux imaginer ô combien !

      • Marion says:

        Oui je comprends. Peut être que j’y avais dû accoucher en France, j’aurais eu un tout autre genre de peur.
        En relisant le billet et ton commentaire, je ne suis plus si sûre pourquoi cette peur, peut être était-ce juste par “conditionnement” finalement. Le cadre était assez idéal, je savais qu’on allait me “ficher la paix” et respecter les choses, mon corps, mon conjoint, nos décisions à ce moment là, où que en tous cas j’allais être entendue et respectée si j’exprimais quelque chose, et pourtant la peur était là, que quelque chose arrive à mon bébé, ou un truc inattendu dans le fabuleux processus, c’est beau et intense comme événement mais ça reste stressant, ou c’est peut être mon naturel anxieux.
        C’était comme un sentiment de quelque chose d’initiatique, quelque chose qu’avaient déjà effectué les femmes de ma famille et d’ autre des générations précédente, parfois avec des récits rétrospectifs pas faciles, et que j’allais à mon tour vivre et par là les rejoindre, peut être espérer “mieux” le vivre.

        Après par rapport à l’accouchement à domicile, ici ça se fait mais je ne crois pas que ce soir majoritaire, les pratiques de l’hôpital étant tout à fait respectueuses de la physiologie, du corps et de la volonté des femmes.
        Ce n’est peut être pas le lieu mais je me demande quand même: je ne connais rien à l’accouchement à domicile mais ai dans l’idée que c’est forcément plus fatiguant, d’un point de vue pratique : concrètement qui nettoie aprés? qui prépare avant ? est-ce qu’en cas de fièvre pendant le travail on peut recevoir une réhydratation, des antibio ? ou est-ce nécessairement transfert à la maternité dans ce cas là?
        Et le maternités avec le label amies des bébés qu’est-ce que vous en dites? Comment sont les pratiques?

        En tous cas ce blog il est génial!
        Ca fait un bien fou de lire des billets comme ça qui remettent les choses à leur place et s’ attaquent à ce soi-disant inattaquable pouvoir médical qui, dés que les femmes ont le moindre désir de choisir pour elles mêmes, les fait passer pour des écervelées qui mettent volontairement leurs vies et celle de leurs bébés en danger.

        • Laurène says:

          Coucou Marion, si tu t’intéresses à l’accouchement à domicile, il y a un groupe privé sur le réseau social bleu et blanc qui est super sympa, on s’échange nos infos et expériences, tu es la bienvenue!

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