Accoucher, le revolver sur la tempe

Dans notre société pacifiée, il est rare d’être confronté à des menaces de mort. Il est exceptionnel d’être forcé à accomplir certaines actions en ayant une arme pointée sur soi. Et il est fort heureusement plus qu’inhabituel de devoir obtempérer contre sa volonté pour protéger sa vie ou celle de ses proches. Il existe pourtant un domaine où de telles intimidations ont lieu dans la plus grande banalité, celui de la naissance.

Durant toute leur grossesse, les femmes sont préparées aux intimidations qu’elles subiront le jour de leur accouchement en étant abreuvées d’une litanie de malformations et maladies auxquelles leur fœtus est exposé dans leur utérus par nature hostile. Même celles qui ne voudront que s’émerveiller devant la magie du petit être qui grandit en elles seront rappelées à l’ordre par les médecins si prompts à leur prescrire bon nombre d’examens, sous couvert d’un discours mortifère détaillant toutes les monstruosités qu’elles peuvent générer en leur sein. Les livres destinés aux femmes enceintes, en particulier ceux écrits par des gynécologues qui ne conçoivent la grossesse que par le prisme de la pathologie, alimentent comme il se doit l’ambiance anxiogène entourant les ventres ronds. Cette rhétorique morbide contribue à soumettre, consultation après consultation, les femmes au pouvoir médical érigé en seule bouée dans cette mer de dangers.

Lorsqu’elles arrivent à la maternité, les femmes se voient imposer une impressionnante liste d’interdits et d’obligations, aussi absurdes que dangereuses, mais assénés au nom des perditions qui les attendent. Il leur est proposé de déclencher l’accouchement parce que le bébé risque de mourir si la date théorique est dépassée. Il leur est interdit de manger et de boire parce qu’une hypothétique anesthésie générale pourrait s’avérer fatale si elles avaient un reliquat de nourriture au fond de l’estomac. Elles sont sommées de rester immobiles, couchées sur le dos, dans une position douloureuse et nuisant à la bonne progression de l’accouchement pour permettre aux praticiens d’être confortablement installés afin de parer à tout décès inopiné. Elles sont priées d’exposer leur sexe à tout le personnel hospitalier, leur laisser y introduire doigts et objets, parce que ces pratiques empêcheraient une mort certaine de leur bébé. Elles doivent subir des pressions violentes sur leur ventre et des injections d’ocytocine de synthèse pour accélérer la naissance et extraire de leur corps un bébé y qui y aurait péri sans l’intervention musclée de professionnels. La faucheuse rôde dans les couloirs des hôpitaux, et seuls des rituels médicaux pratiqués sur les femmes comme autant d’exorcismes semblent pouvoir les protéger d’une agonie certaine.

Bon nombre de femmes vivent mal ces menaces de mort proférées pour leur imposer certains actes dont elles ne sont pas entièrement convaincues de la nécessité. Ces discours terrifiants prononcés avec désinvolture par les praticiens sont ressentis comme une grande violence par ces futures mères n’aspirant qu’à un heureux événement. Certes des complications fatales peuvent malheureusement se produire dans de très rares cas, mais les gestes préventifs adéquats peuvent être suggérés avec tact et bienveillance, sans exercer sur les femmes une coercition digne d’un malfrat braquant une banque.

Lorsque j’ai commencé à écrire sur le sujet de la naissance et dénoncer les violences obstétricales, plutôt que me démontrer le bienfondé de chaque acte médical et justifier leurs pratiques, des praticiens m’ont accusée de vouloir la mort de femmes en couche et l’inexorable agonie de nouveau-nés. Ils m’ont soupçonnée d’être une meurtrière. Ils m’ont à demi-mots suspectée d’être une psychopathe qui commettrait des assassinats en utilisant la technique sournoise de l’écriture de textes politiques sur l’accouchement. Fidèle à mon habitude de sonder les cœurs et scruter les intentions, j’ai toujours été persuadée que ces propos dépassaient largement les convictions de ces médecins, et n’étaient qu’une illustration de leur rhétorique mortifère habituelle.

Ces intimidations intempestives sont non seulement dommageables à la parturiente, mais sont en plus illégales. En effet, la plupart des pays occidentaux se sont dotés d’une loi consacrant le consentement libre et éclairé du patient comme préalable à tout acte médical.[1] Le législateur impose que le consentement soit libre, c’est-à-dire dépourvu de contrainte et renouvelé avant chaque acte. Il doit en outre être éclairé, et donc être précédé par toute l’information nécessaire sur les actes que le patient va subir, des risques normalement prévisibles en l’état des connaissances scientifiques et des conséquences que ceux-ci pourraient entraîner. Enfin, ce consentement, obtenu après tant d’explication et de dialogue, peut être à tout moment retiré par la parturiente.[2] Pourtant, malgré ces lois en vigueur depuis plus d’une décennie, des femmes continuent à subir des assauts sur leur corps et des privations des libertés les plus fondamentales dans les salles d’accouchement sous prétexte d’effroyables dangers.

On peut dès lors se demander pourquoi les obstétriciens préfèrent vociférer des menaces de mort plutôt qu’expliquer calmement aux femmes enceintes les raisons d’un traitement précis ou d’un acte médical envisagé. La réponse est très simple : parce qu’ils n’en connaissent pas la raison. Ils se contentent de reproduire, sans les questionner, les gestes appris durant leurs années d’études. Ils déroulent, sans discuter, les protocoles hospitaliers qui visent plus à veiller à la bonne organisation du service et à la protection de l’institution contre les recours judiciaires qu’à permettre aux femmes d’accoucher dans de bonnes conditions matérielles et psychologiques.[3] Ils ne s’intéressent pas à la recherche médicale sur la naissance et aux découvertes les plus récentes dans le domaine de la naissance.[4] En faisant fi des nombreux articles scientifiques en sens contraire, ils adhèrent au dogme hérité des siècles passés voulant que plus le médecin intervient dans le processus de parturition, plus l’accouchement est sécurisé.

En tant qu’être humain, chaque personne est bien sûr libre de se soumettre à des croyances et des dogmes. On pourrait néanmoins s’attendre à ce que des médecins qui ont suivi de longues études aient eu l’occasion de développer une once de démarche scientifique. Il serait même logique que des professionnels ayant prêté le serment d’Hippocrate soient capables d’user de leur esprit critique. Au-delà-même d’exiger d’eux qu’ils respectent la loi, la décence voudrait au minimum qu’il dépose les armes et s’abstiennent de menacer de mort les femmes qui font preuve de clairvoyance et d’intelligence.



[1] Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « Loi Kouchner » (France) ; Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient (Belgique) ; Georges Hermans, « De l’information du patient au consentement éclairé et après… », Bull. Soc. belge Ophtalmol., n° 291, pp. 39-45, 2004.

[2] Ordre national des médecins, « art. 36 – consentement du patient », commentaire de l’Ordre, 11 octobre 2012.

[3] Interview de Céline Darmayan, « ‘Entre leurs mains’, le documentaire entre intimité et poings levés », 26 février 2014.

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23 Responses to Accoucher, le revolver sur la tempe

  1. Madame_Gropotiron says:

    Bonjour!
    Je lis dans votre article”Les livres destinés aux femmes enceintes, en particulier ceux écrits par des gynécologues qui ne conçoivent la grossesse que par le prisme de la pathologie, alimentent comme il se doit l’ambiance anxiogène entourant les ventres ronds”.
    Je reviens d’une librairie où j’ai vainement cherché un bouquin qui me permette d’en savoir plus sur les 9 mois de grossesse (moins un) que je m’apprête à vivre. Je dis “vainement” parce que ayant tendance à voir le coté négatif de la chose (“et si c’était un oeuf clair? Et si la grossesse s’arrêtait comme ça d’un coup? Et si aussi et ben aussi peut-être que hein on sait jamais!)… je sais tout de même me préserver et à la lecture des sommaires énumérant les diverses pathologies j’ai reposé les dits ouvrages en m’faisant non mauvaise idée le prends pas tu vas te rendre malade.
    Du coup, je suis toujours à la recherche d’infos sur la grossesse, le développement de l’embryon, du foetus, des différents examens à passer et pourquoi et comment et qu’est-ce qui se passe dans mon corps etc. Et tout ceci sans stress inutile (donc arrêter de lire les forum, peuplées de personnes bien informées, et je suis pas si ironique que ça en le disant pcq bon reprocher aux gens d’aller glaner l’info où ils.elles la trouvent c’est bien gentil mais l’info la-vraie, on nous l’apprend où?).
    Tout ça pour demander : auriez-vous des ouvrages à me conseiller?

  2. Nandananda says:

    Merci beaucoup pour ces articles toujours bien écrits, bien pensés et qui permettent d’avoir un autre regard. J’ai pourtant beaucoup lu sur le sujet, j’ai voulu accoucher à la maison. J’aurais même souhaité un jour être sage-femme. Mais je n’avais jamais réfléchi en terme de menaces de mort et cela m’apparaît maintenant comme une évidence. Je pense que pour beaucoup ça peut paraître exagéré à première vue, j’espère qu’ils prendront un temps pour bien se renseigner et surtout pour réfléchir à cette situation sans avoir peur de remettre en cause des choses qui semblent instituées, inchangeables (ce qui ne veut pas dire tout dénigrer). Merci encore!

  3. Lulu says:

    Merci pour cet article, j’adore toujours autant vous lire !

  4. Carina says:

    Je conseille aussi vivement le livre d’Ina May Gaskin “Le guide de la naissance naturelle” qui présente des récits d’accouchements dans la première partie puis des informations plus techniques dans la deuxième et termine avec des statistiques édifiantes sur les accouchements physiologiques. Mon préféré en absolu!

  5. Merci pour cet article dont je partage largement les points de vue. C’est exactement ainsi que je perçois également le discours obstétrical, à savoir comme une forme de terrorisme. Et c’est également comme un ensemble de rites superstitieux que m’apparait le protocole médical qui règlemente les naissances. La façon dont vous l’exposez est tout à fait convaincante. Je partage sur la page des éditions du Hêtre !

  6. Bernard Bel says:

    Quel bonheur de lire un article à la fois combatif et si richement argumenté ! On a besoin d’entretenir le feu pour arriver à une prise de conscience collective qui fera bouger les lignes. Le monde associatif de la périnatalité est encore trop marginal…

    Bernard Bel, président de l’AFAR

    Auteur de :
    « Pour une naissance insoumise »
    http://portail.naissance.asso.fr/docs/naissance-insoumise.pdf
    « Se réapproprier la naissance »
    http://portail.naissance.asso.fr/docs/SeReapproprier.pdf
    et « À qui appartient l’accouchement ? »
    http://ciane.net/blog/2007/06/aquiappartientlaccouchement/

  7. Finlandaise1 says:

    Merci pour cet article ! La peur joue beaucoup dans la façon d’aborder la naissance.
    Mais j’ai l’impression que souvent cette peur n’est même pas inculquée aux femmes par les méchants praticiens, c’est même carrément l’inverse. Il y a encore trop de femmes qui sont très demandeuses de tout cet interventionnisme qui vire parfois à la maltraitance. Il y a comme un cercle vicieux, qui est entretenu par les média, les futurs parents et leurs praticiens… Un changement de mentalité est nécessaire, mais c’est surtout la grande majorité des femmes elles-mêmes qui doivent changer d’attitude. Ni la médecine, ni la justice ne peuvent résoudre un problème de mentalité.
    Heureusement aujourd’hui, nous avons l’internet et les blogs. Il est plus facile de se faire entendre, et aussi de faire un peu de pédagogie au passage.

    Merci également à B. Bel pour vos articles, qui sont vraiment très bien écrits ! Votre critique des média et des débats télévisés est particulièrement pertinent.

  8. Marie-Hélène Lahaye says:

    Merci pour vos commentaires et liens très intéressants.

    Finlandaise, bien sûr que les femmes sont elles-mêmes demandeuses d’un grand interventionnisme médical. Elles vivent dans une société qui cultive la peur de l’accouchement qui leur est inculquée dès l’enfance. La différence, c’est que les médecins, érigés en spécialistes de l’accouchement, s’inscrivent complètement dans cette culture de la peur, et vont jusqu’à attaquer les femmes qui parviennent à s’y soustraire. Ces experts auto-proclamés de l’accouchement portent donc une grande responsabilité dans cette culture de la peur.

  9. Anne says:

    Merci pour ce billet salvateur.
    Dans le dernier paragraphe tu as mis le doigt dessus : à mon sens (et dans bien d’autres domaines que la maternité d’ailleurs) les médecins actuels ne sont plus ces scientifiques qu’ils se targuent d’être. Leur comportement, leur mentalité, leur aveuglement, leur fonctionnement en dehors de la réalité a tout du dogmatique, ils pensent et affirment en fonction de vérités qu’il ne faut pas contredire, parfois en dépit du bon sens, des études scientifiques, ou de la parole des êtres humains (eux disent ‘patients’) qu’ils ont en face d’eux.
    Oublié le sens critique, oublié le serment d’Hippocrate, et “Primum non nocere”, on est en plein dogme, qu’ils imposent, drapés dans leur supériorité scientifique. Pauvre science, pauvre médecine.

  10. Laure says:

    Les livres que j’ai bcp apprécié en plus d'”une naissance heureuse.” sont : “j’accouche bientôt, que faire de la douleur?” ainsi que “votre bébé est un mammifère”.
    Bonne grossesse 🙂

  11. Céline says:

    Bonjour,

    J’aime énormément votre blog et je suis très souvent d’accord avec vos écrits. La naissance de ma fille, il y a bientôt un an m’a ouvert les yeux sur les pratiques de l’accouchement et j’en ai tiré une grande colère que je suis heureuse de voir partagée dans vos billets.
    Ce billet, en particulier, me fait réagir pour deux raisons.
    La première, c’est l’association culturelle extrêmement forte qu’il y a dans notre société entre accouchement et mort. Lorsque j’ai parlé de l’accouchement pour la première fois avec mon conjoint, la première chose qu’il m’a dit “tu sais, s’ils me demandent de choisir entre la mère et le bébé, c’est toi que je choisirai !”. Pour lui, et pour je pense une très grande majorité des gens, l’accouchement porte aujourd’hui encore les mêmes risques qu’au XIXème où des médecins-bouchers venaient voir le père en lui disant “je peux sauver l’enfant, mais dans ce cas la mère y passe”.
    Et je pense que chaque femme qui va accoucher porte encore en elle cette image, issue de centaines de romans, séries télés et autres films en costume.

    Secundo, la naissance de ma fille. J’ai eu une grossesse sans soucis, et le début de l’accouchement s’est passé comme tel. J’avais fait une préparation via le yoga, avec une formatrice très portée sur l’accouchement physiologique. Ses conseils (en particulier le premier conseil : “suis ton instinct ; ton corps sait accoucher, tu n’as qu’à l’écouter”) m’ont été très précieux pendant tout le travail.
    Cependant, à un moment, à la maison, j’ai ressenti le besoin d’une présence expérimentée. D’une “sage” femme au sens premier du terme, capable de me guider et entre les mains de laquelle je pouvais me remettre.
    Si la prise en charge de la maternité a au début été très respectueuse, j’ai vite senti que quelque chose bloquait : le col s’ouvrait un peu trop lentement. La tête du bébé, mal positionnée, l’empêchait de descendre et d’appuyer suffisamment.
    Insidieusement, avec beaucoup de gentillesse, mon instinct (“non, madame, ne poussez pas, le col n’est ouvert qu’à 6 cm. Même si vous en ressentez le besoin, ne poussez pas !”) a été remplacée par la technique (“on va percer la poche des eaux, ça aidera le bébé à descendre et à remettre sa tête en place. Et vous faire une péridurale parce que ça va faire beaucoup plus mal”).

    Et là, j’ai découvert le discours terriblement anxiogène auquel une femme qui accouche est exposée : “votre bébé fatigue” [mauvaise mère qui n’accouchez pas assez vite, le bébé n’est même pas né que vous vous en occupez déjà mal !] ; “il y a de la souffrance foetale” [ces deux mots associés sont terribles à entendre] ; “les battements cardiaques sont irréguliers” [le coeur, le premier organe de notre bébé qu’on entend, cet organe si associé à la vie dans notre imaginaire] ; “il faut qu’il naisse dans la demi heure, sinon …” [sinon quoi ? j’ai jamais su]…
    Au final, une césarienne, un bébé en pleine forme (AGPAR de 10), “vous avez une magnifique cicatrice madame et arrêtez de pleurer”, et une dépression post-partum évitée de peu.

    Est-ce qu’il y avait vraiment un risque ? Etait-ce un risque de vie ou de mort ? Etait-ce si urgent qu’on ne pouvait attendre le dernier cm (j’ai été césarisée à 9cm) ? Que ce serait-il passé si j’avais juste écouté mon instinct ?
    Je ne saurai jamais, je ne peux pas refaire l’expérience en fermant totalement mes oreilles à tout ce discours anxiogène et culpabilisateur. Mais que je suis sensible à votre billet !

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Merci beaucoup pour ce témoignage très éclairant.

      Je rebondis sur la remarque “tu sais, s’ils me demandent de choisir entre la mère et le bébé, c’est toi que je choisirai !”. C’est interpellant qu’elle soit toujours d’actualité aujourd’hui. Cette question de choisir entre la vie de la mère ou celle de l’enfant (encore toute relative parce que généralement on sauvait la mère et pas l’enfant sans se poser la question) n’a plus de sens depuis que la césarienne est devenue une opération sûre. Avant la césarienne, quand il y avait un problème, soit on découpait le bébé et on l’extrayait du corps de la mère avec des crochets, soit on pratiquait une césarienne sur une femme mourante, ce qui l’achevait dans les jours suivants parce qu’on avait pas conscience de l’asepsie ni de la nécessité de désinfecter les instruments. La pratique de la césarienne est devenue sûre immédiatement après la 2de guerre mondiale, quand on a découvert les antibiotiques.

      Il est donc étonnant que 70 ans plus tard, cette question de sauver la mère ou l’enfant reste présente dans les esprits. On peut le voir soit comme un défaut d’information de la population, soit comme une arme des médecins qui préfèrent laisser les gens dans l’ignorance sur ces choses les plus élémentaires afin de conserver leur pouvoir sur les femmes qui accouchent.

      • Céline says:

        Je pense que tous, autant qu’on est, on sait très mal comment se déroule un accouchement. Avant d’avoir soit même eu un enfant, comment savoir ce qui se déroule derrière les portes closes, dans ce moment de très grande intimité ?
        Au final, les images que nous avons tous de l’accouchement proviennent de ces films, de ces séries, de ces romans qui se passent dans le passé, où l’accouchement est montré lorsqu’il est dramatique et que le médecin sort de la porte avec les mains sanglantes.

        Et puis … il y a sans doute des images religieuses ou mystiques derrière tout cela : “tu accoucheras dans la douleur”, risquer sa vie pour donner la vie … La naissance est une porte d’entrée dans la vie et fait forcément penser à l’autre porte qui clôt la vie.

  12. Aude says:

    Bonjour et merci beaucoup pour l’ensemble de votre blog que je découvre aujourd’hui avec intérêt.
    J’aurais une question à vous poser. Peut-être y avez vous déjà répondu quelque part, mais je ne l’ai pas encore trouvé. Dans quelle(s) mesure(s) sommes-nous libres de choisir notre position d’accouchement ? J’avoue que la position allongée sur le dos ne me paraît pas du tout optimale et que la position accroupie a l’air plus “naturelle”. Pieds en contact avec le sol, dos et bassin dégagés… A priori cela me semble plus simple. Dans quelles mesures peut-on choisir avant et pendant le jour J comment on veut accoucher ?
    Merci.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Dans la situation idéale, les femmes devraient être totalement libres de s’installer comme elles le souhaitent et de changer de position quand elles le veulent, en suivant les indications que leur envoient leur corps (nous vivons tous la situation où, étant installés de façon non confortable, nous changeons spontanément de position pour que ce soit plus agréable). C’est juste une liberté fondamentale la plus élémentaire. Malheureusement, lorsque les femmes qui accouchent se mettent librement dans la position la plus confortable, c’est généralement assise, à quatre pattes, accroupie, bref, une position où le médecin doit s’abaisser sous elles pour réceptionner le bébé. Comme c’est inconcevable qu’un médecin, du haut des ses nombreuses années d’étude et de son statut privilégié dans la société patriarcale s’agenouille sous une femme, la médecine a trouvé la solution: placer la femme couchée sur le dos, dans une position inférieure, très douloureuse et qui provoque des complications et dystocies. Mais qui a l’avantage d’octroyer de la supériorité au médecin.

      Comment éviter ça ? En se faisant accompagner par des sages-femmes respectueuses, de préférence à domicile ou en maison de naissance, et en fuyant tout endroit où on empêche les femmes d’accoucher dans la position de leur choix. Y compris les endroits où on permet aux femmes de bouger librement pendant le travail, mais qu’on pousse à s’allonger au moment de l’expulsion.

  13. Godard says:

    Merci beaucoup Marie-Hélène à vous toutes qui écrivez et commentez…
    J’ai “subi” mon premier accouchement, un peu moins les suivants, mais je remarque que ce soit pour un accouchement ou une autre manipulation ou traitement médical, il faut se “battre” et vraiment affirmer sa conscience d’humain pour sortir du rôle du “patient ” passif… Que connaissent les hommes à l’accouchement ? Ils ne pourront jamais le vivre dans leur corps. Ils savent mais ne co naissent pas. Alors laissons les femmes assister leurs sœurs, avec amour et conscience, dans ces moments là. Laissons notre corps libre donner naissance à un nouvel être.
    J’ai beaucoup aimé le film “le premier cri” très émouvant et intéressant.
    Avec tout mon amour de femme pour ses sœurs les femmes.

  14. Marie says:

    C’est une question qui mériterait d’être étudiée sérieusement, avec des sondages et enquêtes. Autour de moi, pour une raison d’âge, tout le monde ou presque est enceinte ou accouche. Or, le taux de “grossesse dite à risque” est de, je sais pas, 80% et le taux final de problème de …. allez 5% (et encore une longue liste de problèmes résulte de la surmédicalisation et du stress…). Bref, on dirait que les médecins “se couvrent” en annonçant moult cataclysmes pour que “finalement ça c’est bien passé, je suis contente”, bref annoncer le pire pour éviter la mauvaise surprise. A tel point que lorsque des amis ont perdu un bébé en route, nous étions tous choqués car la nouvelle avait été un peu anticipée mais “on n’y croyait pas” vu que jusque là toutes les mauvaises nouvelles s’étaient avérées fausses.
    Alors, je ne sais pas : peur du procès/des insultes si “un problème est arrivé et on ne nous avait pas prévenu du risque” (et j’avoue que beaucoup de mes ami-e-s sont quand même là-dedans….) ? vision trop pathologique de la grossesse par des personnes qui sont formées pour cela? Réalité aussi que les grossesses sont de plus en plus tardives et la vie des femmes de plus en plus sous pression, avec du coup beaucoup plus de situations à risques et surtout de situations limites?

    Un ami médecin me signalait aussi que les progrès de l’imagerie lui permettent de “détecter” de plus en plus de détails, et donc de plus en plus de problèmes…potentiels. Il me disait que c’était normal, que le développement foetal n’est pas un long fleuve tranquille et qu’il est donc normal que des choses “potentiellement problématiques” au 4e mois disparaissent d’elles-mêmes au 5e, etc. S’il veut tout dire aux parents au fur et à mesure, il annonce donc plein de “risques” faibles, mais non nuls, et il génère un stress malgré ses propos rassurants. Bref, il fait comme il peut mais soit il dissimule, soit il dit tout (la plupart des parents lui demandent de tout savoir) et il ne peut pas contrôler le stress des parents, surtout que la médecine, en matière pré-natale, diagnostique beaucoup de choses pour lesquelles elle n’a pas vraiment de remède immédiat, du coup tu passes quand même des mois à te préparer à une catastrophe qui ne pourra être résolue qu’à la naissance…. et qui (heureusement) ne survient le plus souvent pas. Et ceux qui font partie de la minorité pour laquelle il y a un problème réel sont plutôt contents d’avoir été prévenus et préparés avant, donc tout cela milite encore pour le discours pessimiste…

    Certains parents, surtout après le 1er enfant, en viennent à dire au gynéco et à l’échographe “dites-nous juste s’il n’y a rien de vraiment grave”, ils créent leur ignorance pour ne pas trop se stresser…

    Je ne sais pas si un jour quelqu’un a cherché une réponse un peu scientifique à cela, mais ça vaudrait le coup….

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      La réponse est assez simple: pour les obstétriciens, toutes les grossesses et tous les accouchements sont a priori pathologiques. En France, c’est encore pire que dans les autres pays, parce que l’accouchement n’est considéré comme normal qu’à posteriori (alors que partout ailleurs, l’accouchement est a priori normal, mais observé au cas où il y a un soucis).

      Donc puisque la grossesse et l’accouchement est pathologique, ils ne voient aucun problème à entretenir un climat anxiogène.

      Il y a une autre idée reçue chez la plupart des médecins, c’est l’idée que plus ils donnent des informations sur les complications possibles, plus la femme les vivra bien si elle y est confrontée. Le problème, c’est que les femmes sont donc bombardées d’informations anxiogènes sur toutes les complications possibles, mais personne ne leur donne des informations sur le déroulement normal d’un accouchement physiologique. Et beaucoup d’entre elles finissent par ne plus écouter les informations alarmistes des médecins pour ne pas trop stresser.

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