De la misogynie du Syndicat des Gynécologues et Obstétriciens de France

SYNGOF FB 15 juin 2016Le Syndicat des Gynécologues et Obstétriciens de France (SYNGOF) s’est une nouvelle fois fait remarquer par une prise de position sexiste et misogyne. Le 15 juin dernier, Elisabeth Paganelli, Secrétaire générale du SYNGOF, s’est fendue sur la page Facebook de cette institution d’un message expliquant qu’elle refusait d’octroyer un arrêt de travail aux femmes qui avortent, au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Son argument, pour le moins vaseux, consiste à vouloir protéger les femmes contre les explications qu’elles devraient donner à leur employeur pour justifier ce congé maladie. Elle estime en plus que ses patientes ne peuvent pas s’absenter pour cette raison si on considère que « la femme est l’égale de l’homme au sein du travail et qu’elle puisse enfin être payée comme l’homme et avec égalité ». Elle propose donc comme solution que la travailleuse s’organise pour avorter un jour férié ou pour poser un jour de congé.

Sans surprise, cette gynécologue méconnaît le droit en ignorant qu’au nom du secret médical, la raison de l’interruption de travail ne doit pas être mentionnée sur le certificat. Depuis le confort de son cabinet libéral, elle doit en outre être peu sensible à la réalité des travailleuses pour lesquelles il n’est pas toujours aisé d’obtenir un congé un jour précis, surtout sans en expliciter la raison, ce qui les expose d’autant plus au risque de devoir évoquer devant son employeur sa nécessité d’avorter, ou d’inventer un quelconque mensonge. Quant à l’incitation à avorter un jour férié, je cite ma comparse Clara de Bort qui, sur Twitter, s’amusait de ce qu’« entre les obstétriciens qui veulent pas qu’on accouche le week-end et ceux qui veulent pas qu’on avorte en semaine… » il reste probablement peu de place pour l’agenda spontané du corps féminin. Il s’agit surtout d’imposer une contrainte de plus aux femmes qui veulent avorter, qui s’ajoute à la difficulté de trouver un praticien dans le délai légal très court de l’IVG.

Comme les gynécologues ne connaissent pas grand-chose de la physiologie des femmes, je souhaite expliquer à la Secrétaire générale du SYNGOF ce qu’est une IVG médicamenteuse. Il s’agit de l’expulsion des éléments d’une grossesse non désirée par l’absorption de substances telles que le mifépristone et le misoprostol, qui peut être pratiquée à la maison. Étrangement, le Dr Paganelli nomme ce type d’avortement une « IVG de ville » (alors qu’elle peut aussi se dérouler à la campagne), ce qui sonne un peu comme une « tenue de ville », celle qu’on suggère aux dames pour un cocktail, ces êtres futiles et frivoles qui choisissent d’avorter comme elles achètent une paire de chaussures.

L’absorption de cette médication produit d’intenses douleurs abdominales et une perte de sang et de caillots très importante pendant plusieurs heures. Les femmes se trouvent souvent dans la situation où, en larmes, elles vident leurs boyaux en recouvrant d’hémoglobine et de membranes diverses la cuvette des WC, parfois pendant une grande partie de la nuit. Comment peut-on alors leur imposer de retourner travailler dès le lendemain matin, en les obligeant à masquer l’impact psychologique du parcours du combattant qu’est souvent l’IVG, la fatigue et les secousses émotionnelles de ce qu’elles ont subi la veille ? Et comment ose-t-on les contraindre à interrompre régulièrement leur activité professionnelle pour tapisser, par d’abondantes pertes de sang, la cuvette des WC de leur patron pendant les jours qui suivent l’expulsion ? En quoi est-ce défendre l’égalité des femmes avec leurs collègues masculins qui peuvent s’absenter pour un simple refroidissement, de les forcer à travailler dans de telles conditions ? Et quand bien même une femme souhaiterait reprendre son travail le lendemain de son avortement, elle dispose de la liberté de ne pas remettre son certificat médical à son employeur. Refuser par principe un arrêt de travail à des femmes qui avortent revient non pas à leur garantir l’égalité professionnelle avec les hommes, mais à les punir encore plus pour leur choix de l’IVG.

Il est vrai qu’Elisabeth Paganelli a un problème avec le sang féminin, elle qui s’insurgeait il y a quelques mois sur France Culture contre ses patientes qui venaient pour un frottis en ayant leurs règles et en « en mettant partout », ce qu’elle considérait comme un irrespect équivalent aux maltraitances gynécologiques[1]. Il est vrai aussi que le SYNGOF est familier des déclarations sexistes et misogynes, puisque Jean Marty affirmait, en tant que Président de cette instance, qu’il n’était pas choqué par le point du mari effectué suite à une épisiotomie[2].

Soulignons enfin que la sortie de cette gynécologue fait suite au communiqué de presse du SYNGOF critiquant le nouveau droit pour les sages-femmes de prescrire un arrêt de travail de 4 jours après une IVG. Cette instance considère comme un danger pour l’ensemble des femmes cet élargissement de compétences, manifestant tout son mépris pour les cinq années d’études et toutes les aptitudes professionnelles des sages-femmes.

A la décharge d’Elisabeth Paganelli, si soucieuse de l’égalité entre les femmes et les hommes, il est vrai qu’aucun homme n’a jamais demandé un arrêt de travail pour son IVG.

 

Lisez aussi:

Une IVG médicamenteuse sans arrêt de travail: le mépris des gynécos français, Slate, 19 juin 2016.

10 Lunes, « La rameuse ensablée », 19 juin 2016.

 

[1] http://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks/collection-temoignages-maltraitance-gynecologique

[2] http://abonnes.lemonde.fr/sante/article/2014/04/18/derriere-le-point-du-mari-le-traumatisme-de-l-episiotomie_4403470_1651302.html#D7pTT3WhQ7aKAVsh.99

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17 Responses to De la misogynie du Syndicat des Gynécologues et Obstétriciens de France

  1. Vervaine says:

    Décidément, le SYNGOF nous régale en ce ce moment. Ironie à part, c’en est vraiment écœurant de corporatisme, et la malhonnêteté intellectuelle jouant sur un soi-disant féminisme me hérisse encore plus. Mais bon, faut s’estimer heureuse parce que “quand même, on n’est pas dans les pays pauvres, hein, ici les femmes sont respectées.” #Pleurer

  2. Louis says:

    Grandiose. La femme-bétail, concept en vogue au Syngof. La perte de productivité/rentabilité est visiblement bien plus importante que l’être humain pour certains. Dommage que les tenants de cette idéologie “exercent”, – autrement qu’en tant que patients d’établissements psychiatriques- dans le domaine de la santé qui plus est. Le sexisme égalitariste en cache sexe, pas mal non plus. Parents, aimez vos enfants, sinon ils risquent de tourner comme la petite Elisabeth et ses collègues : inhumains.

  3. Line314 says:

    Ils en font quoi du traumatisme “mental” ? Nan parce que sans mettre en bannière le féminisme ou autre, mince quoi, c’est quand même traumatisant une ivg … C’est quand même une décision qui peut être très lourde … Et puis aller au boulot alors qu’on est train de subir une ivg, merci ! Je parle même pas des chutes du Niagara et de leur inconfort.
    Le texte de cette bonne femme ça me donne l’impression qu’elle pense : la femme a fait une connerie, elle doit assumer ! On fait ça un samedi ou un jour férié, ou elle pose un jour de congé et après c’est bon, pas de tralala, elle est opérationnelle, au boulot ! Si elles veulent être l’égale des hommes, faut pas qu’elles soient freinées par une ivg (ni même une grossesse, un accouchement ou un enfant ?)
    Et le mec dont la nana a subi une ivg, il a été freiné par quoi ?
    Souffrons en silence mesdames, on aura l’égalité !

    • Anonyme says:

      Je ne suis même pas certaine que le côté “punition” de l’IVG soit en cause ; je n’ai pas eu d’arrêt pour une fausse couche déclenchée (embryon de 8 semaines mort), je crois que ce sont les mêmes médicaments que pour l’IVG médicamenteuse.
      On ne me l’a pas proposé, et, sous le choc, je n’ai même pas pensé à le demander.
      On est des femmes, on n’a qu’à encaisser, et voilà. 🙁

    • Maryam says:

      Line 314 , je pense aussi qu’il s’agit d’une punition,

      en tout cas j’ai pensé à ça direct !

  4. Julie Croft says:

    Je suis outrée, littéralement. Certainement d’autant plus que j’ai moi même vécu une IVG et que je sais exactement de quel type de saignements on parle…Mais je ne comprends pas. Comment est-il possible qu’on laisse à cette dame le choix de délivrer ou pas un arrêt de travail ? Naïvement, je pensais que l’arrêt de travail était conséquence directe de l’IVG, légalement parlant, et qu’il appartenait à la femme de le faire ou pas. Jamais je n’aurais imaginé qu’un praticien, et qui plus est un gynécologue, puisse refuser de l’accorder. Je suis vraiment outrée. Merci pour vos articles, continuez de nous informer, un jour, tout ça changera. Merci.

  5. Je suis votre blog depuis quelques temps déjà, et je ne saurai assez vous remercier. Vous posez des mots, des arguments, vous déroulez un discours construit sur des sujets qui, chez moi, ne provoquent que vitupérations, fulminations et invectives, tant cela me met hors de moi. Donc, merci.

  6. Juju says:

    Une honte. L’IVG est un acte médical et en tant que tel il a droit à un arrêt de travail. Sa justification est incompréhensible!!! Si je peux donner une petite note positive : lorsque j’étais étudiante infirmière, j’ai effectué un stage en gynécologie et nous pratiquions l’IVG. Cet hôpital prenait soin des femmes avec respect. Du début à la fin, peut importe son choix. Et les soignants tenaient à apprendre à leurs étudiants la discrétion et le respect. Alors c’est pour ça que nous devons nous battre. La liberté de la femme passe aussi par ce droit à disposer de son corps.

  7. FL says:

    Sans que cela n’enlève rien au reste de vos arguments, fort pertinents, le terme IVG “de ville” renvoie à la médecine de ville, terme employé comme opposé à la médecine hospitalière.
    Nul snobisme urbain, la médecine de ville pouvant se pratiquer à la campagne, et nulle connotation futile : cela veut juste dire en milieu non hospitalier.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Oui, je sais. Mais on parle généralement de “médecine de ville”. Appliquer ce terme à une IVG est très maladroit. Parle-t-on de “dialyse de ville” ?

  8. Myriam says:

    Quelle honte! Bravo pour votre article qui l’a remet à sa place. Vive le productiviste! Nous sommes quoi nous des robots féminins? Des superwomans? Et elle ose implorer l’égalité des sexes…ridicule

  9. dalhia says:

    cette secrétaire générale du syndicat doit être contre l’avortement , mai n’ose pas le dire pour préserver son chiffre d’affaires ; elle a peur que ses patientes ou plutôt ses clientes aillent voir ailleurs et boudent son commerce ; pour elle soigner les patientes et les accompagner , c’est une activité commerciale comme une autre :

  10. Maryam says:

    Ce qui me chagrine le plus, c’est que ce soit une femme qui ait écris ces horreurs… à croire qu’elle aurait perdue son féminisme ( ou dirais – je son ” humanisme” ) sur les bancs de la fac de médecine.

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