Violences contre les femmes enceintes, la paille et la poutre

Entre 20 % et 40 % des femmes battues reçoivent le premier coup de leur compagnon lorsqu’elles sont enceintes.  Si des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre ce phénomène, il est clair que la violence contre les femmes enceintes suscite l’opprobre de la société.  Il est communément admis que maltraiter une future maman et mettre la vie de son bébé en danger est particulièrement odieux. Face à ce constat, certaines personnes plaident pour former les professionnels de la naissance à la détection de cette violence. Si l’idée est séduisante, cette proposition me plonge néanmoins dans la plus grande perplexité.

En effet, comment imaginer qu’un gynécologue qui expédie ses consultations en 15 minutes, temps de déshabillage et rhabillage compris, puisse établir un climat d’écoute propice aux confidences d’une femme battue ? Comment penser qu’un praticien pressé ne jugeant pas utile de répondre à toutes les questions de sa patiente sur des aspects en lien direct avec ses organes génitaux, offrirait une oreille attentive à des soucis relevant de sa vie privé ? Comment demander à un obstétricien, gonflé d’arrogance du haut de ces nombreuses années d’études, de s’abaisser à jouer à l’assistant social, voire pire encore, au psychologue ? Sans même compter sur la misogynie intrinsèque de la profession qui ne porte qu’un mépris à peine dissimulé à ces lamentations de bonnes femmes.

Plus grave encore, les praticiens eux-mêmes usent de violences parfois extrêmes sur les femmes enceintes au moment de leur accouchement.

Lorsqu’une femme au ventre arrondi entre dans un transport en commun, lui céder sa place fait partie des règles de savoir-vivre. Même si tous les passagers n’obtempèrent pas avec le même empressement, veiller au bien-être des futures mamans fait partie des conventions sociales. Si une femme montait dans un métro en se tenant le ventre de façon crispée et en manifestant un état de malaise, il est très probable que non seulement un passager lui cèderait son siège mais qu’en plus les voyageurs lui proposeraient aide, soutien ou réconfort pour lui permettre de poursuivre son trajet le plus confortablement possible. Paradoxalement, cette attitude bienveillante envers les femmes enceintes n’est pas celle qu’adoptent les obstétriciens qui, dans les mêmes conditions, les obligent à s’immobiliser dans la position la plus inconfortable, la plus douloureuse, la plus délétère sur le bon déroulement de l’accouchement : couchées sur le dos avec les jambes en l’air. Peu importe que la parturiente ressente d’effroyables maux de ventre et douleurs dorsales, peu importe que son corps tout entier réclame de se redresser ou de bouger, la seule chose qui compte pour le médecin est d’assurer son propre petit confort égoïste pour avoir la meilleure vue entre les cuisses de sa patiente.

Si vous croisiez une femme enceinte ayant fait de longs efforts sous la canicule, lui refuseriez-vous un verre d’eau ? Si elle n’avait plus mangé depuis des heures, lui interdiriez-vous de grignoter une friandise ? Une telle goujaterie est pourtant la norme pour le personnel hospitalier qui préfère affamer et assoiffer les femmes enceintes afin de s’octroyer un maximum de commodité pour les très rares cas d’anesthésie générale nécessaire pour une césarienne d’urgence. Cette interdiction de boire et de manger est d’autant plus absurde lorsqu’une péridurale est posée, puisqu’elle permet une césarienne impromptue sans anesthésie générale. Mais qu’importe, un obstétricien ne va pas abandonner ses petites habitudes au profit du bien-être des femmes qui accouchent.

Et que dire d’un individu qui obligerait une femme enceinte à se déshabiller, à s’exposer nue à des inconnus qui entrent et sortent de la pièce où elle se trouve, et à subir l’introduction de doigts dans son vagin comme autant d’agressions sexuelles ? Comment serait considérée une personne qui appuierait de toutes ses forces sur le ventre d’une femme enceinte pour faire sortir son bébé, malgré ses cris et supplications ? Quelle opprobre sociale subirait un malfrat qui séquestrerait une femme enceinte et lui injecterait contre sa volonté des produits chimiques pour hâter son accouchement ? Quelle peine lui infligerait-on s’il poussait le vice jusqu’à mutiler le sexe de sa victime ? Malgré la condamnation de tous ces actes par l’Organisation mondiale de la Santé et par le Collège national des Gynécologues et Obstétriciens français, bon nombre de praticiens exercent ces violences par routine dans les hôpitaux. Ils ne considèrent pas qu’une femme enceinte puisse bénéficier d’une prévenance au moins équivalente à celle envers n’importe quel quidam. Comment dès lors espérer qu’ils s’intéressent au sort de cette même femme si elle était battue par son mari ?

Même lorsqu’ils sont confrontés à des violences sortant du cadre des bonnes pratiques obstétricales, des médecins préfèrent le déni plutôt que la dénonciation de ces actes. Le mois dernier, la sage-femme et écrivaine Agnès LEDIG dénonçait le « point du mari », cette pratique intolérable consistant à recoudre une épisiotomie en ajoutant un point supplémentaire, dans le but de rendre l’entrée du vagin plus serrée afin d’augmenter le plaisir du conjoint. Malgré l’afflux de témoignages de victimes de cet acte et de sages-femmes l’ayant observé et même appris durant leur formation, deux obstétriciens ont accusé Agnès LEDIG de délirer, de « sauter sur une plaisanterie pour écrire cela ». Au lieu de condamner cette pratique, ils préfèrent accuser cette professionnelle de la santé de n’avoir « rien compris à l’anatomie ». Plutôt que s’insurger contre cette barbarie, ils dénigrent cette sage-femme en la qualifiant de « farfelue ».

J’en étais à ces réflexions sur l’idée naïve de confier aux professionnels de la naissance la mission de détecter les violences conjugales contre les femmes enceintes, lorsque je me suis souvenue de l’adage rappelant que les défauts sont toujours plus visibles chez les autres que chez soi. Il est dès lors possible que, par paternalisme désuet ou condescendance misogyne, des praticiens apprécieraient revêtir les habits de chevalier blanc, et jouer, le temps d’une consultation, le protecteur de la femme et de l’enfant en pourfendant un mari violent. Il est probable qu’un intérêt soudain pour la condition des femmes dans l’intimité de leur foyer pourrait leur rendre une virginité face aux critiques qu’ils subissent sur leur manque de respect de leurs patientes.

Qu’importent leurs motivations si, par leur sensibilisation à cette question, ils pouvaient contribuer à diminuer les violences faites aux femmes. Après tout, il est toujours préférable pour les femmes de subir des violences obstétricales en ayant au moins préalablement évité les coups de leur mari.

 

Sources :
Benjamin Leclercq, « Les femmes enceintes  plus souvent touchées par les violences conjugales », Le Monde, 8 mars 2014.
Agnès Ledig, « Du papillon à la plume », 20 mars 2014.
Caroline Reiniche, « ‘Point du mari’ après l’accouchement : je n’y ai pas cru… jusqu’à ce que je le voie », Le Plus, 26 mars 2014.
Romain Scotto, « Le ‘point du mari’ est-il un mythe ? », 20minutes.fr, 25 mars 2014.
Agathe Tournesoleil, « Le ‘point du mari’ », 24 mars 2014.
Choupinette Family, « “Le plus beau jour de notre vie” ou pas… [Point du mari] ».
La marre aux canards, « Le point du mari, ma réalité », 27 mars 2014.
Organisation mondiale de la Santé, « Les soins liés à un accouchement normal », 1997.
Site du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français.
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18 Responses to Violences contre les femmes enceintes, la paille et la poutre

  1. Mc says:

    Bonjour et merci pour cet article édifiant.

    Je me permettrais juste de souligner deux travers à mes yeux, ou deux points qui mériteraient d’être soulignés.

    Le premier serait que votre article semble vraiment mettre tous les gynécos obstétriciens dans le même sac. Quand bien même ces comportements seraient majoritaires (ce que mon expérience confirme), je trouve dommage de ne pas reconnaître la bonne volonté de certains, ne serait-ce que par l’orientation des récentes recommandations du le Collège national des Gynécologues et Obstétriciens français (que vous citez vous même).

    Le second point qui me gène c’est le fait qu’on dirait que ces actes ne sont le fait que d’hommes. Or, mon expérience, certes courte, m’a prouvé que ce type de comportements violents, dégradants et irrespectueux envers les femmes ne sont en aucun cas l’apanage des médecins hommes. Les gynécologues femmes sont tout aussi douées pour les consultations de 5 minutes tout compris (vous avez été très généreuse en parlant de 15), pour les injonctions, pour le manque d’écoute et les examens imposés, l’absence de discussion et d’attention, sans parler de compassion ni d’empathie, ou encore d’efforts de pédagogie. Les torts sont équitablement répartis entre medécins hommes et femmes.

    Ce sont deux points par lesquels je souhaite simplement compléter votre article, en aucun cas le contester car il me semble primordial de sensibiliser aux violences que vous dénoncez.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Merci pour votre commentaire.

      C’est vrai qu’on me fait régulièrement ces deux remarques: ne pas généraliser parce qu’il y a des professionnels de la naissances respectueux, et mentionner le fait que des femmes puissent aussi commettre ces violences. Je suis évidemment d’accord avec ces deux remarques, et je me pose à chaque billet la question de comment les intégrer.

      Le but de mon blog n’est pas de dénoncer les situations de dérive de l’obstétrique, ni des gynécologues abuseurs, ni des pratiques hospitalières qui dérapent (auquel cas, il serait judicieux de pointer clairement les personnes qui commettent les dérives, et rappeler que ce n’est pas la généralité). Le but de mon blog est au contraire de dénoncer ce qui est la norme en obstétrique, et ce qui est communément admis dans la société en ce qui concerne l’accouchement. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des accouchements se font à l’hôpital, dans un contexte médicalisé, ne respectant pas les recommandations de l’OMS. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des actes posés dans les maternités françaises sont en contraction avec les recommandations Collège national des Gynécologues et Obstétriciens français. Il ne s’agit donc plus de critiquer l’un ou l’autre praticien pour ses dérives, mais de dénoncer ce qui est devenu la règle. Règle qui est d’ailleurs soutenue par le pouvoir politique (qui par exemple en France s’oppose à la liberté des femmes d’accoucher à domicile ou en maison de naissance par exemple), par le pouvoir économique (le mécanisme de financement des hôpitaux qui repose sur les actes pratiqués, et les enjeux financiers des firmes pharmaceutiques), et le pouvoir judiciaire (qui ne parvient pas à condamner des praticiens qui ne respectent pas ni les recommandations de l’OMS, ni celles du CNGOF, tout simplement parce que ces pratiques sont la norme et que tout expert médical que le juge nommera ne fera que s’inscrire dans cette norme).

      Bien sûr qu’il y a des praticiens de bonne volonté, qui sont en rupture avec cette norme et qui agissent sciemment avec le but de respecter la naissance. C’est d’ailleurs grâce à ces personnes exceptionnelles que j’ai ouvert les yeux et que je me suis mise à écrire. Malheureusement, ils sont extrêmement minoritaires. L’écrasante majorité des praticiens ne font que reproduire ce qu’ils ont appris sans se poser de question. Et même en se posant moins de question que dans les autres domaines médicaux où il serait inconcevable qu’un cardiologue posent toujours des actes en vigueur dans les années 1970 sans tenir compte de la moindre avancée et étude depuis cette époque.

      C’est vrai que je pourrais à chaque billet ajouter une phrase “ils ne sont pas tous comme ça, il y a des exceptions”, mais j’ai peur qu’à trop nuancer, le billet perde de sa radicalité lorsqu’il s’agit de critiquer la norme.

      Enfin, concernant la féminisation de la profession d’obstétricien. D’abord, elle est toute récente. Ensuite, cette féminisation n’a rien changé aux principes sexistes et misogyne sur lesquels l’obstétrique repose (en résumé, l’idée que les femmes sont des êtres inférieurs, sans cervelle, dangereuses pour elles-mêmes et pour leur enfant, au corps déficient, incapables de faire la seule chose que la société attend d’elles: mettre leur enfant au monde). Ce qui est une preuve supplémentaire (si besoin en était) que ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on est féministe, et que ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on se comporte différemment d’un homme. Enfin, je trouve interpelant d’insister sur la féminisation d’une profession lorsqu’il s’agit de dénoncer des points négatifs, mais jamais lorsqu’il s’agit des points positifs. La règle de grammaire “le masculin l’emporte” n’est jamais contestée, sauf lorsqu’il s’agit de critiquer des abus commis par les membres d’un groupe parmi lesquels se trouvent quelques femmes. Face à la féminisation des noms de métier, beaucoup insistent sur la fonction et non le sexe de la personne qui l’occupe. Sauf lorsqu’il s’agit de dénoncer des violences, où il est demandé de rappeler à chaque fois que les femmes en commettent aussi. Donc oui, cette insistance à me demander de rappeler que les femmes commettent aussi des violences me questionne, et je n’ai pas encore trouvé la bonne méthode pour la traiter dans mes billets.

      • Baptistine Mortier says:

        Merci Marie-Hélène pour l’ensemble de votre blog toujours pertinent et intéressant (et très inquiétant pour la nullipare que je suis quant à l’état de l’obstétrique française, mais cela me permettra au moins de faire des choix éclairés le moment venu, plutôt que de me soumettre sans discussion au corps médical par ignorance d’une autre possibilité).

        Juste sur cette question de la misogynie des femmes gynécologues, je voulais compléter votre propos par cette réflexion : il me semble que dans beaucoup de professions où des femmes accèdent à “une place d’homme” (on est bien d’accord que je parle ici des stéréotypes patriarcaux et non pas de ma propre pensée), ce qui est le cas des gynécologues (mais aussi des cheffes d’entreprise, des ingénieurEs, des chercheuses en tout genre, etc…), elles sont presque contraintes à adopter un comportement “pire” que celui de leurs homologues masculins, soit pour arriver à crever le “plafond de verre”, soit pour prouver leur légitimité une fois en place. Je pense que notre société n’est pas encore prête à donner du pouvoir à une femme féministe, et qu’elle n’accepte donc de donner ce pouvoir à une femme que si celle-ci se plie complètement aux diktats du patriarcat, voire fait de l’excès de zèle.
        Ceci n’est qu’une supposition, basée sur un ressenti, et je suis bien sûr persuadée qu’on peut trouver des tas d’exceptions, mais je pense que ça peut être aussi un élément de réponse à Mc.

        Merci encore de tes articles réguliers !

        • Marie-Hélène Lahaye says:

          Oui, j’ai moi aussi remarqué que bon nombres femmes qui accèdent à ces métiers traditionnellement masculins sont encore “pire” que les hommes.

          Ceci dit, il faut faire la part des choses encore les faits réels et la perception qu’on en a parce qu’elle heurte les stéréotypes de genre. Pour ne donner qu’un exemple, un film d’action où un homme a la gâchette facile sera perçu comme “normalement violent”. Le même film avec une femme qui utilise des armes exactement de la même façon sera perçu comme beaucoup plus violent (exemple la polémique autour du film Thelma et Louise perçu par certaines personnes comme très violent, alors qu’elles ne tuent qu’une seule personne, un violeur).

          • Céline says:

            Je lis et découvre votre blog avec beaucoup d’intérêt. Je voulais abonder dans le sens de Baptistine : la violence psychologique et physique pendant l’accouchement n’est pas forcément le fait des hommes et d’un machisme généralisé, mais peut aussi être le fait des femmes. J’y lis plus un mépris des “sachants” envers les ignorantes que sont les femmes en train d’accoucher.
            Lorsque ma fille est née, j’ai vécu un accouchement à la fois très doux, avec une équipe (sages-femmes, anesthésistes, interne gynéco) à l’écoute, bienveillants, respectueux, qui s’est malheureusement transformé en cauchemar quand une césarienne d’urgence a été décidée et que l’obstétricienne est entrée dans salle d’accouchement.
            Elle m’a à peine adressée la parole, a rabroué la sage femme et l’interne devant moi pour avoir suggéré que tout n’avait pas été tenté avant une césarienne, et m’a, globalement, considérée comme un bout de viande à découper. Lorsque j’ai malheureusement revu cette femme lors de l’entretien post-natal, elle a pris avec beaucoup de mépris les questions que j’ai pu lui poser sur le déroulement de l’accouchement (“Vous avez lu ça où ? Sur Internet ?” lorsque je lui ai demandé si le fait de percer la poche des eaux pouvait avoir causé la souffrance de mon bébé).
            Plus qu’une forme de misogynie, j’y ai vu un mépris de classe qui s’exerçait non seulement sur moi, mais sur le reste de son équipe.

  2. zab says:

    J’ai subi pas mal des violences que tu cites, et elles n’étaient pas le fait de gynécos (qui sont rarement présents pendant le travail) mais de sage-femmes. Elles aussi font parfois partie de ce système de maltraitance généralisé.

  3. Fatj says:

    Encore un billet qui appuie là où ça fait mal.
    Une petite observation cependant :
    “Une telle goujaterie est pourtant la norme pour le personnel hospitalier qui préfère affamer et assoiffer les femmes enceintes afin de s’octroyer un maximum de commodité pour les très rares cas d’anesthésie générale nécessaire pour une césarienne d’urgence”
    A la place de commodité, vous auriez pu écrire sécurité ? Il me semble quand même que c’est plus pour éviter une (très très rare) complication qu’on justifie d’assoiffer et d’affamer les futures mères que pour faciliter la tâche du personnel (et heureusement, cela ne se fait plus partout mais ce n’est pas encore la norme…).
    Sinon je trouve qu’il ressort de cet article que si lors de la grossesse le commun de mortel est plutôt prévenant envers les femmes enceintes, n’est-ce pas pour protéger le futur enfant, plutôt que par bienveillance envers la femme ? Finalement, au même titre que le médecin ou la sage-femme (voir commentaire précédent) qui lui fait subir des actes parfois odieux sous couvert de sécurité pour l’enfant en train de naître…

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      En réalité, la privation de boisson et de nourriture dans certaines hôpitaux a pour but unique de décharger la responsabilité du personnel médical en cas de complications liées à l’anesthésie générale. Prenons un homme qui a participé a un repas arrosé puis qui a un accident de voiture. Il est emmené en urgence à l’hôpital l’estomac plein. Il faut procéder à une anesthésie générale (avec éventuellement vidange de l’estomac, etc). Si l’anesthésie et l’opération tournent mal (en admettant qu’il n’y ait pas de fautes professionnelles, que les médecins aient tout tenté, mais que les blessures étaient trop grandes), la responsabilité de l’hôpital ne pourra pas être engagée devant le juge sur base du fait que l’estomac du patient était plein. En revanche, si c’est une femme enceinte doit être anesthésiée et que l’anesthésie tourne mal parce qu’elle a l’estomac plein et que l’équipe n’a pas pu le vider (d’où le mot “commodité” que j’emploie), l’hôpital peut être poursuivi pour avoir autorisé la femme enceinte à manger.

      C’est très tordu comme raisonnement. C’est purement une question juridique. Ça n’a rien à voir avec la sécurité et le confort de la femme. Mais c’est la seule explication que j’ai pu obtenir des professionnels.

      Concernant la protection de la femme et de l’enfant, je compte écrire un billet là-dessus. Notre société (les médecins, les politiques, les juges) oppose les intérêts de la mère à ceux de l’enfant. C’est un non-sens parce que les intérêts de la mère sont très proches, voire coïncident, avec de ceux de l’enfant. Aucune mère n’a envie que son enfant naisse mort-né ou handicapé. Mais dans l’esprit des gens, la femme est une idiote égoïste qui pense à elle au détriment du bébé qu’elle porte. Tant l’obstétrique que le droit et la politique de la naissance reposent sur ce principe misogyne.

      • Fatj says:

        Merci pour les réponses apportées : je pense la même chose, à partir des mêmes données pour cette question de boire et manger, mais effectivement je ne met pas les mêmes mots dessus (pour moi cela relève d’une “sécurité” légale, quand bien même c’est ridicule…).
        Et contente de savoir qu’un billet est prévu sur cette opposition préconçue entre les intérêts de la femme et de l’enfant… je n’osais pas le demander, mais c’est un sujet qui me pose énormément de questions… Parce qu’on voit depuis toujours les choses sous cet angle (notamment dans les questionnement sur l’avortement par exemple). Bref, hâte de lire ça !

  4. Fatj says:

    @zab : je vous comprend, et je me suis moi-même débrouillée pour boire (je n’avais pas faim) lors de mon premier accouchement en structure hospitalière. Et il faudrait sûrement sur ce point que les recommandations changent (et que les équipes les suivent…) : pourquoi ce qui est autorisé par certains ne l’est pas par d’autre ? Et s’il n’y a pas de “vérité” scientifique sur le sujet, pourquoi ne pas laisser libre au choix à la future mère ?
    Ceci étant, et si on reste d’un point de vue légal, la décharge ne sert à rien. Soit l’équipe médicale considère que le danger n’est pas si grave, et elle pourrait se contenter d’écrire dans votre dossier “patient informé des risques” soit elle considère que les risques sont trop grands ET que vous n’êtes pas en mesure de comprendre l’information qui vous a été donnée et elle vous empêche de boire/manger (ou vous oblige à être convaincue). Et là on passe dans le registre : pourquoi considérer de fait que vous n’êtes pas capable de comprendre et de faire votre choix en toute connaissance de cause ? Ce qui nous ramène me semble-t-il la question de la place de la femme dans le système de soin, plus particulièrement quand elle est enceinte.
    Mais je dis peut-être des bêtises…

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Oui, tout à fait. Dans les hôpitaux règne un système de non-droit équivalent à un système carcéral, et en particulier appliqué aux femmes enceintes. L’équipe médicale impose aux parturientes des obligations et des interdictions qui ne reposent sur aucune base scientifique, médicale ou juridique. Il est quasiment impossible pour les femmes d’y échapper, en particulier au moment de leur accouchement où elles sont dans un état de grande vulnérabilité.

  5. Miss Niet says:

    Comme d’habitude un article plein de bon sens. Une autre piste de réflexion dans la prise en charge des femmes serait dans la manière dont les médicaments sont conçus et testés.

    Beaucoup de gens l’ignorent, mais dans toutes les phases de tests de la majorité des médicaments, les seuls tests sont réalisés chez des mâles (qu’il s’agisse d’animaux ou d’humain). La grande majorité des molécules n’est donc pas testé chez les femmes, car leurs taux d’hormones sont variables, mais bien chez des hommes (on peut faire exception de la médication spécifique aux femmes : pilules, ocyto etc).

    On ne peut donc être qu’à demi étonné du traitement fait aux femmes dans le milieu médical quand on pense que les médicaments sont avant tout conçus par et pour des hommes. La prolongation qui en est faite dans l’obstétrique découle à mon sens de cette logique. La femme doit s’adapter et se plier aux exigences des hommes.

    • zab says:

      Plus loin que ça : dans les études médicales l’anatomie “de base” est masculine, l’anatomie féminine n’étant qu’une variation…

  6. Tassin says:

    Je suis enceinte de 8 mois et demi les transports en commun sont censés bénéficier aux personnes à mobilité réduite or non seulement un des chauffeurs de bus m a dévisagee et a adopté à mon égard une attitude désagréable mais en plus il n à pas attendue que je sois assise pour redémarrer sans compter toutes les fois où personne n à le savoir vivre pour se lever et me céder sa place. Quand je vais faire mes courses non seulement personne ne me laisse passer pour m éviter d attendre debout trop longtemps mais en plus une dame est allée jusqu a me heurter le côté droit du ventre avec sa caddie sans même s en excuser. Une autre fois à la caisse, hier en réalité, la caissière s est arrêtée a plusieurs reprises de scanner mes courses pour faire la causette avec d après la conversation une de ses voisines à la 3e fois je lui ai dit gentiment que j étais fatiguée que mon accouchement est prévu pour cette semaine en fait demain pour être exacte et que j apprécierais vraiment qu elle termine mon compte pour que je puisse rentrer chez moi en lui signalant que mon gyneco m a dit d eviter les stations debout prolongées pour raison médicale sur ce non seulement elle a retourné la situation en tentant de me mettre mal à l aise en me faisant passer pour une personne qui fait de l excès de zèle mais en plus sà voisine a tente de m intimider par son attitude et m a appuyee sur l épaule en me disant “c est pas pour demain” ceci était non seulement déplace mais humiliant. Je souligne que cette dite voisine de la caissière s est renseignée comme médecin!!! Je trouve toutes ces anecdotes inadmissibles malheureusément je ne vois aucune voie de recours pour agir contre ce phénomène a part laisser un commentaire auprès des médias afin que soient dénoncés ces attitudes dénuées de savoir vivre vis à vis des personnes en surplus vulnérables. Je tiens à préciser que toutes ces personnes et ces faits concernent des villageois de Florennes en Belgique. Bien que ces personnes ne semblent pas avoir la moindre empathie ni le moindre scrupule je suis persuadée qu il n est que justice que le monde soit au courant de ces agissements et abus au sein de cette entité.

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