Les maltraitances gynécologiques dénoncées sur France Culture

L’émission « Sur les Docks » de ce lundi 28 septembre, à laquelle j’ai eu le plaisir de participer, fait le point sur les dénonciations des maltraitances gynécologiques qui ont surgit sur la scène médiatique ces derniers mois. Illustré par des lectures de témoignages recueillis sous le hashtag #PayeTonUtérus et sur le trumblr Je n’ai pas consenti, le documentaire revient sur le point du mari et sur l’affaire des touchers vaginaux sur des patientes endormies que j’ai dénoncée avec Clara de Bort et Béatrice Kammerer dans une tribune cosignée par une cinquantaine de personnalités.

Les propos les plus édifiants étaient, sans surprise, ceux de Jean Marty, président du syndicat des gynécologues et obstétriciens de France, et d’Elisabeth Paganelli, secrétaire générale de cette même instance.

En contrepoint aux témoignages de violences obstétricales et d’humiliations subies par des femmes dans des cabinets médicaux, le gynécologue Marty se place dans le déni : « La maltraitance vis à vis des femmes, je tombe des nues. Pour moi, c’est du domaine soit du fantasme soit effectivement des faits divers parce qu’il y en a un ou deux qui ont violé. Ce qui est l’horreur mais ce qui existe dans tous les domaines ». Il se défend en usant d’un machisme suranné en assurant que « c’est pour nous un tel honneur d’avoir des femmes qui nous font confiance ». Sur le point du mari, le gynécologue part dans une indignation presque risible, lui qui quelques mois plus tôt déclarait dans le Monde « la chirurgie est du domaine de l’art, on peut penser que certains médecins ont eu l’idée qu’en modifiant un peu leur façon de suturer, ils amélioreraient un peu la sexualité, et ça, ça ne nous choque pas ». Quant aux touchers vaginaux sur patientes endormies, il en confirme bel et bien la pratique, expliquant qu’« il n’y avait aucune raison d’aller expliquer à une femme qui dormait qu’on en profitait pour apprendre aux étudiants à faire des examens alors que la personne dormait pour une pathologie. C’était l’occasion de montrer aux étudiants cette pathologie. Et c’était pour nous absolument naturel ».

Les propos de la gynécologue Paganelli sont encore plus illustrateurs de la misogynie et du mépris pour ses patientes. Elle s’insurge tour à tour contre les femmes qui ont leurs règles sur le mode « entre les dames qui me disent ‘je viens pour un examen gynéco et un frottis’ et qui finalement sont le jour de leurs règles et qu’elles m’en mettent plein partout, alors moi j’ai envie de leur dire ‘Bah excusez moi mais vous pourriez quand même me dire qu’il y a les règles, parce que là, vous en mettez partout et la suivante, elle va…’ Enfin vous voyez, il y a du non respect dans les deux sens en fait », contre les femmes qui « maintenant demandent tout ce qu’elles veulent aussi, c’est marrant », ou encore contre les patientes en surpoids qui refusent de monter sur la balance.

A l’instar de la plupart des gynécologues, elle se montre incapable d’appliquer la loi Kouchner sur le consentement libre et éclairé du patient, en expliquant qu’elle demandera à sa secrétaire de préparer un papier avec une liste d’examens à cocher pour se protéger en cas de procès, alors que Martin Winckler insiste sur l’importance du dialogue et de l’écoute entre le soignant et son patient. Elle dérape enfin en affirmant sans sourciller que les médecins peuvent se passer du consentement des patientes dans un CHU puisque ce type d’hôpital est un lieu de formation pour les étudiants. Clara de Bort répond très justement que ce lieu de formation des futurs médecins devrait être l’excellence, y compris en terme de respect de la loi sur le consentement des patients.

Face à ce mépris pour les femmes et ces violences institutionnelles, Martin Winckler conclut en insistant sur l’importance pour les femmes de choisir son gynécologue ou sa sage-femme avec beaucoup de soin, par exemple parmi la liste des soignants respectueux Gyn&Co. Pour ma part, et cela n’a malheureusement pas été repris dans l’émission, j’estime qu’il faut dépasser ce colloque singulier entre les patientes et leur gynécologue, et poser la notion du respect des femmes par le monde médical en une question politique et de société. C’est précisément pour cette raison qu’a été créée en Belgique la Plateforme pour une naissance respectée.

Vous pouvez écouter cette émission, disponible en podcast sur France Culture : « Collection Témoignages : Maltraitance gynécologique ».

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9 Responses to Les maltraitances gynécologiques dénoncées sur France Culture

  1. Blandine says:

    Merci pour cet article.

    Il est déplorable que les hautes instances obstétricales aient de tels représentants, dans le déni total du vécu des femmes (des témoignages de maltraitance médicale, j’en lis toutes les semaines voire tous les jours sur les forums et les groupes fb …).

    Mais ces représentants malheureusement représentent parfaitement une bonne partie des obstétricien(ne)s français(e)s, et leur mépris aveugle pour leurs patientes.

  2. Coucou,

    j’étais déjà venue lire ton site il y a quelques temps et on m’a signalé ton article et cette belle émission que je vais m’empresser d’écouter, pour ma part j’ajoute à ceux qui voudraient creuser le sujet qu’ils peuvent lire en libre accès sur mon blog ce dossier que j’ai écrit pour le magazine indépendant Nexus en décembre 2014 “La médecine est-elle violente envers les femmes?” http://ca-se-saurait.fr/2015/07/28/la-medecine-est-elle-violente-envers-les-femmes-article-integral-paru-dans-nexus/

    Bises.

  3. Cécile says:

    J’ai 38 ans. L’an dernier, je me suis rendue aux urgences d’une clinique plutôt réputée de ma ville pour une douleur au mollet, ayant déjà eu une phlébite suivie d’une embolie pulmonaire à 34 ans. Je suis rapidement menée dans une chambre où attendent 2 hommes (j’aperçois leurs pieds au bout de chacun des lits séparés par des rideaux) et on me fait installer sur le premier lit. On me demande de me dévêtir et de ne garder que mon slip, de m’allonger et les deux infirmières ou aides soignantes qui s’occupent de poser des électrodes sur mon corps en profitent pour discuter entre elles au dessus de moi, comme si je n’étais pas consciente. J’encaisse le malaise que cela me procure, tristement habituée et résignée à être déshumanisée dès lors que je me retrouve dans un lieu dédié aux “soins” médicaux. Puis vient un moment où l’infirmière me tend un flacon et me dit alors que je suis quasi nue: “il va falloir un échantillon d’urine, vous savez, c’est le protocole. Les toilettes sont au bout du couloir, vous n’avez qu’à vous couvrir avec le drap”. Le drap, c’est celui qu’elle a posé sur mon corps un peu avant. Je me visualise un court instant me draper maladroitement dans son drap vert, ouvrir la porte et me retrouver à devoir traverser un couloir bondé de blouses affairées, de patients en attente, de familles éplorées, de techniciens. Autant tenter l’expérience dans un hall de gare. Je ne lui répond rien, prends le flacon qu’elle me tend et commence à me rhabiller complètement en prenant mon temps, à remettre chaussettes et chaussures ( s’attendait elle aussi à ce que j’y aille pieds nus ?), puis je sors de la pièce en ne réfléchissant plus qu’à ça. Au final, elle ne m’a rien dit, rien reproché, et je l’attendais au tournant. Il s’agissait sans doute, pour cette infirmière” zélée et efficace”, de ne pas faire perdre de temps par la suite au médecin qui devait ensuite venir m’examiner. Cette absence de reproche, cette demande stupide de sa part à laquelle j’ai désobéi m’ont fait par la suite énormément réfléchir sur mes nombreuses et douloureuses expériences passées auprès du corps médical, qui ont laissé bien plus de souffrances et de traumatismes que les pathologies pour lesquelles j’étais venue consulter.
    Pourquoi , à 16 ans fraîchement opérée d’une réduction mammaire à l’hôpital, je n’ai pas osé virer, insulter ou même ne serait ce qu’interroger sur sa venue dans ma chambre, ce chef entouré de sa douzaine d’internes venus observer mes seins et les toucher, comme si j’étais une bête de foire ?
    Pourquoi je n’ai pas osé me rebeller quand mon premier accouchement à 30 ans a été une suite de violences, de supplices, d’abus et de mutilation? ( déclenchement, on a percé la poche des eaux en étant à 3 sur mon corps et en me faisant horriblement mal, l’anesthésiste m’a insultée et a finalement raté sa péridurale, on m’a obligée à rester allongée, attachée par un monitoring pendant 8 h, à subir d’innombrables touchers vaginaux extrêmement douloureux, privée d’eau et de nourriture, et pour finir, alors que je n’avais même pas commencé à pousser, l’obstétricien de garde a pratiqué sur moi une épisiotomie sans rien me dire.)
    Pourquoi je n’ai pas répondu à cette sage femme venant me chercher après plusieurs appels restés sans réponse, lors de mon deuxième accouchement à 32 ans, qui est venue en râlant et en me lançant “eh oh mais il ne faut pas crier comme ça, on n’est pas dans la brousse ici! “. L’obstétricien s’est excusé par la suite, non pas des paroles de la sage femme dont il n’a jamais eu connaissance, mais du fait que j’ai quasiment accouché seule dans ma chambre de clinique ce matin là.
    Je me demande aussi pourquoi je n’ai pas osé demander, il y a 2 ans, pourquoi ce gynéco qui me recevait pour une visite de routine exigeait que je sois totalement nue pour l’examen.
    Pourquoi autant de soumission, de terreur, de résignation face à ces gens en blouse blanche?
    Pourquoi a-t-il fallu pour ma part que je ne prenne conscience aussi tardivement que toutes ces expériences étaient de la pure maltraitance et abus de pouvoir, juste parce qu’une infirmière plus bête que méchante m’a demandé d’accomplir un acte si surréaliste et stupide que sur le moment même toute ma soumission et mon obéissance ont disparu pour laisser place à de la colère froide. Colère qui n’a jamais plus disparu.
    J’ai deux filles. Moi, qui ai été élevée dans la religion sacrée des médecins, je passe mon temps à lutter contre et à détricoter ce processus de soumission devenu inconscient, à expliquer à mes filles que leurs corps leur appartient et que nulle part et en aucune façon, personne n’a le droit de les toucher si elles ne le souhaitent pas.

    • Marie-Hélène Lahaye says:

      Merci pour votre témoignage.
      Il y a en effet une réflexion à mener en profondeur sur le mécanisme de soumission aux médecins.
      Je suis heureuse de voir que vous éduquez vos filles dans le respect de leur corps. La révolution est en marche par la prochaine génération !

    • Margaux Stive says:

      Bonjour Cécile,

      Je suis journaliste à Slate.fr. Votre témoignage m’a beaucoup interpellée et j’aimerais que vous me racontiez en détail vos expériences avec les médecins. Il s’agit d’un documentaire radio, vous pouvez donc rester anonyme si vous le souhaitez. L’idée est de donner la parole à des anonymes. Je pense que votre histoire pourrait intéresser beaucoup de femmes (et d’hommes).

      Vous pouvez me contacter au 06 76 56 27 17 ou par mail: margaux.stive@gmail.com

      J’attends votre réponse ! A très bientôt je l’espère !

      Margaux Stive

  4. Bonjour notre association se propose de mener des actions en justice pour faire cesser cet état de fait Et pour nous il est absolument nécessaire pour faire face aux intérêts que nous allons attaquer d’être organisés et groupés;nous avons besoin de regrouper un maximum de plainte circonstancié daté et accompagné d’une carte d’identité.c’est, entre autres ce que je vous propose. Si cela vous intéresse(ça devrait!) vous pouvez me contacter au 06 45 05 52 43 ou sur la page Facebook.

  5. valérie says:

    j’ai 48 ans;je suis allée voir un gynéco pour avoir des conseils car j’ai des règles qui durent longtemps;je lui dis que je n’ai pas de rapports sexuels par choix et cela n’a rien à voir avec une quelconque religion;cela ne m’intéresse pas et je suis très bien toute seule;il me prescrit une prise de sang,me demande si je veux faire le test du VIH? et me dit la prochaine fois,il faudra faire un frottis!Je lui ai dit:non,c’est un examen inutile pour moi,je veux pas être tripotée pour rien;Et il me répond et me menace:qu’est-ce que vous croyez? même les “bonnes sœurs”se retrouvent avec un cancer du col de l’utérus; toute façon,ça ne dure que 3 minutes; je suis partie avec mon ordonnance(prise de sang) et je n’irai plus jamais le revoir.

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