Alors que la polémique enfle autour des propos d’Elisabeth Paganelli affirmant qu’il ne faut pas octroyer d’arrêt de travail suite à une IVG au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes (voir mon billet De la misogynie des du Syndicat des Gynécologues et Obstétriciens de France), le SYNGOF a tenté d’éteindre l’emballement médiatique en publiant un communiqué sur son site.
Au lieu de dénoncer l’énormité des propos de sa Secrétaire générale, le SYNGOF enfonce le clou.
Tout d’abord, bien qu’ils prétendent que les femmes ont la liberté de choisir la date de l’avortement, il réaffirme que c’est bien le praticien, et non la patiente, qui « conviendra du jour le plus approprié pour la prise des médicaments et l’expulsion ». Le SYNGOF ne renie pas les propos de sa Secrétaire Générale qui prônait que l’expulsion ait lieu un jour férié ou que la femme pose un jour de congé. La dernière question de leur communiqué laisse d’ailleurs sous-entendre qu’il s’oppose toujours à ce qu’un jour d’arrêt de travail soit octroyé aux femmes qui avortent.
Donc, si nous résumons la pensée du SYNGOF, les femmes ont la liberté de choisir le jour qui leur convient le mieux, en fonction de leurs propres contraintes, mais à condition que cette date:
(1) soit un jour férié,
(2) tombe avant la 5ème semaine de grossesse
(3) soit convenue par le gynécologue.
Les femmes que nous sommes ne peuvent qu’admirer l’étendue des libertés que ces praticiens, dans leur grande mansuétude, sont prêts à nous accorder, et l’importance des mesures qu’ils prennent pour nous faciliter l’accès à l’IVG.
Ensuite, le SYNGOF, toujours dans sa négation du ressenti des patientes et de son incapacité à les considérer comme des individus à part entière, reprend à son compte le mythe selon lequel plus une IVG a lieu tôt, moins elle est traumatisante. Ces soignants ignorent donc qu’une IVG très médicalisée ayant lieu à 14 semaines d’aménorrhée puisse être vécue presque comme une fête par certaines femmes enfin débarrassées de leur grossesse non désirée, mais qu’une expulsion médicamenteuse en tout début de gestation puisse en plonger d’autres dans de grands troubles émotionnels et psychologiques. Imaginer que chaque patiente soit différente et ne corresponde pas à l’archétype de La Femme si cher au patriarcat, n’effleure pas l’esprit de ce syndicat professionnel.
La suite du communiqué devient risible.
Je cite : « Le SYNGOF souligne qu’un adulte accompagnant doit obligatoirement être présent le jour du saignement. Faut-il prévoir un arrêt de travail pour l’accompagnant dans ce cas ? »
Si j’étais de mauvaise langue, je soupçonnerais le SYNGOF de ne pas considérer les femmes comme des adultes mais comme des mineures, ce qui nécessite la présence d’un majeur à leurs côtés. Plus sérieusement, je constate une fois de plus la méconnaissance du droit par les gynécologues. Aucune loi n’impose la présence d’une personne près de la femme qui avorte. Il est en revanche recommandé que la femme ne soit pas seule lorsqu’elle absorbe ses médications, afin qu’elle puisse plus facilement rejoindre une structure hospitalière si une complication ou une hémorragie se déclarait. Le terme « obligatoirement » est très révélateur de la toute-puissance que les médecins veulent s’arroger au point d’imaginer que leurs décisions ont force de loi, et réduire encore plus les marges de manœuvre des femmes par des interdits et obligations non explicités.
Le SYNGOF poursuit dans sa méconnaissance de la physiologie des femmes, en évoquant « le jour du saignement ». Les gynécologues ignorent donc qu’une IVG produit chez la plupart des femmes non seulement d’intenses saignements et l’évacuation de caillots le jour de l’IVG, mais également des pertes très abondantes, parfois accompagnées de douleur, pendant les jours qui suivent. C’est précisément la raison pour laquelle il est judicieux que les femmes puissent bénéficier d’un arrêt maladie de quelques jours afin qu’elles ne soient pas contraintes d’interrompre à tout bout de champ leurs activités professionnelles pour tapisser de sang la cuvette des WC de leur patron. Alors qu’il s’agit du cœur de la polémique, le SYNGOF ne se prononce pas sur ces jours supplémentaires.
En revanche, la dernière question que le SYNGOF semble tourner en dérision pour tenter de maintenir un raisonnement cohérent dans son refus d’octroyer des arrêts de travail pour une IVG, est pourtant très pertinente. A partir du moment où la présence d’une personne auprès d’une femme qui avorte est recommandée pour des raisons de santé publique, il serait en effet judicieux qu’elle soit facilitée par la possibilité d’également obtenir un arrêt de travail pour l’accompagnant. De plus, si ce dernier est le conjoint ou un autre homme, cette mesure sera de nature à renforcer l’égalité des sexes si chère à Elisabeth Paganelli.
Au lieu de mettre tout en œuvre pour faciliter l’accès à l’IVG pour les femmes, le SYNGOF renforce les contraintes pour accéder à l’IVG et se complait dans sa négation de la situation de chaque patiente.
A la lecture du communiqué du SYNGOF, nous ne pouvons que nous réjouir un peu plus qu’un nouveau décret octroie aux sages-femmes la compétence de prescrire un arrêt de travail jusqu’à 4 jours, renouvelable une fois, suite à une IVG.
Lisez aussi :
Europe 1, « Pour avorter, prenez un jour de congé : la proposition des gynécologues qui passe mal », 21 juin 2016.
Libération, « Pour le Syndicat des gynéco, certains avortements entraînent ‘des arrêts de travail injustifiés’ », 20 juin 2016.
Saluons la cohérence du Syngof, l’union fait la farce dirait-on si le sujet prêtait à rire plus qu’à pleurer.
Y a-t-il un gynobs dans la salle pour relever le niveau ?
C’est rageant de lire de tels propos. Je n’ai pas vécu d’IVG mais plusieurs fausses couches déclenchées (c’est la même procédure). Déjà, les saignements peuvent mettre plusieurs jours à apparaître, une fois ils ont démarré après quatre jours de comprimés (et de diarrhées, c’est l’autre effet des médicaments – pour une gastro on peut se faire arrêter pourtant)…
Je confirme que cela peut être douloureux physiquement pendant plusieurs jours, et que cela, ajouté aux saignements abondants, peut être dur à vivre si on doit travailler en même temps.
Avec des représentants pareils les gynécologues chutent dans mon estime, heureusement que j’en ai croisé des plus humains…
C’est juste ahurissant d’en être encore là en 2016.
Merci pour ces coups de gueules salvateurs contre la toute puissance des médecins.
Après on me demande pourquoi c’est si important la parité. Encore un exemple manifeste s’il en fallait encore un que les femmes sont percus comme des objets incapables de décider par elles mêmes. Je me demande comment ce serait percu si on faisait la même chose pour les personnes racisées; on crierait au racisme (et on aurait raison) mais non, le sexisme, c’est acceptable; puisqu’on vous dit que c’est dans votre intérêt. C’est proprement scandaleux.
Il y a quelques annees, j’ai fait une fausse couche a 13 semaines de grossesse. Hospitalisation, curetage…Pas le meilleur moment de ma vie d’un point de vue physique (douleurs, saignements impressionants) et psychologique (j’etais encore sous le choc de l’echographie ou on a decouvert que le coeur de notre bebe ne battait plus). Quelques jours apres l’intervention, j’ai vue une gynecologue pour le suivi. Je me suis entendue dire que ce n’etait pas ‘un bebe’ que j’avais perdu mais un ‘amas de cellules’, que certaines femmes avaient un curetage le matin et retournaient au travail l’apres-midi. Leve et toi et bosse, feignasse. En sortant de la consultation, je me suis assise et j’ai pleure. J’ai pris une semaine de conges et suis repartie de l’avant. Un peu de chaleur humaine de la part de cette soignante n’aurait rien change a mon etat physique, mais m’aurait certainement aide un peu…
merci Marie-Hélène pour ta vigilance et clairvoyance
et oui… on en est encore là…je l’ai vécu, révoltant…
Il y a quinze ans…
Je croyais vivre dans un milieu ouvert… cultivé, de gauche… bien que ressentant quelques tensions et warnings d’avertissement non écoutés… Je pensais que parler sobrement de sa sexualité et de l’avortement, évidence face une grossesse non souhaitée était désormais permis, naïve, sans l’ombre d’un doute, sans culpabilité… D’abord ça a été la réaction de la gynéco “ouverte” qui a fait ce qu’il fallait, et décelé précocement la grossesse, m’orientant bien. Mais quand même dans le silence, très pincée, comme si j’avais commis une faute…. Puis la réaction de mon compagnon bac +15 milieu supposé ouvert journaliste, qui ne m’a proposé de m’accompagner pour avorter, pas plus d’une minute de discussion.. même cela ne me posait pas trop de problèmes et si ma décision était prise, c’est un peu raide… Puis la mère agrégée qui ne l’apprend que deux mois après, au détour d’une conversation, ” ah oui c”est rien ” et puis on passe à un autre sujet de conversation… Le congé de maladie, même si c’était dans un centre d’orthogénie très bienveillant, très court… La collègue militante à qui vous pouvez justifier (pourquoi ?) sans problème le pourquoi de votre absence, sans problème, et qui réponds par un silence pesant…
La réaction du SYNGOF ne m’étonne malheureusement pas ..
Merci pour votre travail.
Hélène
Ce que semble penser cet odieux syndicat (d’ailleurs, est-ce vraiment la fonction d’un syndicat de se prononcer sur autre chose que leurs conditions de travail?), c’est qu’au fond les femmes qui avortent en font le choix, un peu comme une opération des dents de sagesse ou une liposuccion, et que donc elles n’ont pas à faire porter cela sur la sécu. C’est d’une telle bêtise et d’une telle absence de sensibilité quand à la spécificité de cet acte. Ils sont fou.
Plus je vieillis, plus j’avance dans ma vie de femme, plus je suis confrontée aux gyneco et plus je suis sidérée de la façon dont cette spécialité, soit-disant pour les femmes, nous considère. Et de ma propre expérience les femmes sont pire que les hommes car elles jouent la carte du “je sais ce que sait” alors que non madame, tu ne sais pas, tu n’as pas tout vécu et nous sommes toutes différentes. Toutes les femmes gynecologues qui m’ont suivi, m’ont déçu entre examens douloureux, réflexions sur mon poids, refus d’entendre mes demandes de changement de contraception et j’en passe…
Et, un jour, je suis tombée enceinte, grossesse qui s’est soldée par une fausse couche à 11 SA direction les urgences et une femme gyneco me dit que c’est bien un début de fausse couche et que je devais rentrer à la maison et attendre, que ça ferait comme des règles abondantes. J’ai eu “de la chance” (selon elle, et ses collègues, apparemment) ça tombait sur un week-end donc pas besoin d’arrêt et je ne me suis pas posée de question, je l’ai cru naïvement: ce sera de grosses règles et travailler le lundi me ferait du bien… Et bien… NON, non madame ce ne sont pas des règles abondantes, ce fut douloureux et traumatisant et le lundi, au bureau, j’ai dû me rendre aux toilettes toutes les heures, sans parler de la perte de l’ultime gros caillot aux toilettes du boulot… 3 jours après j’ai vu mon gyneco pour un contrôle qui lui m’a proposé de m’arrêter pour souffler après tout, ça, choqué que sa collègue ne l’ait pas fait. J’ai refusé, parce que personnellement le plus dur était passé et que j’avais besoin d’être active sur le moment, mais j’ai apprécié qu’il me le propose…
Une IVG médicamenteuse se passe de la même manière qu’une fausse couche, les crampes peuvent même être plus douloureuses car déclenchées non naturellement alors oui certaines femmes peuvent se sentir de le vivre sans poser plusieurs jours d’arrêt mais d’autres pas… Ce n’est pas parce qu’on choisit d’arrêter une grossesse qu’on le vit forcément bien: certaines oui, d’autres pas, il y a des milliers de raisons à cet acte. Parce qu’on a le droit d’avorter, on doit encore en 2016 le payer ? Sous prétexte que c’est un choix d’avorter, on devrait être en mesure de mieux vivre cela? Mais ça peut être traumatisant quelles que soient les circonstances…
Comment dans notre pays et à notre époque des femmes peuvent écrire et penser cela? Je suis indignée par tant de mépris…
En tant que généralistes , nous prenons en charge une grosse part des arrêts que les gynécologues ne veulent pas prescrire “pour l’arrêt, allez voir votre généraliste”
Cela ne concerne pas que les gynécos, hélas pour mes statistiques surveillées par la sécu ….
C L
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