Dans le langage courant, le verbe « accoucher » est souvent utilisé à la forme passive. Des mères évoquent le gynécologue qui « les a accouchées » ou parlent de « médecins qui accouchent les femmes ». Cette tournure n’est que le reflet de la réalité, l’image de ce processus qui conduit le monde médical à réduire les femmes à la passivité tandis qu’une personne, souvent un homme, s’active pour faire naitre le bébé. S’il ne s’agissait que d’une simple répartition des tâches, fût-elle sexiste, il n’y aurait pas de quoi s’alarmer plus qu’une organisation de couple où monsieur tondrait la pelouse pendant que madame préparerait le dîner. Le souci est que contraindre une femme à la passivité pendant son accouchement exige d’user de violence extrême à son égard.
La forme la plus flagrante de cette violence est l’expression abdominale. Pour les non initiés, cette pratique consiste pour le personnel hospitalier à exercer une pression sur le fond de l’utérus avec l’intention d’accélérer la naissance. Chaque soignant y va de sa méthode : les uns enfoncent leur coude entre l’estomac et l’utérus de la femme, les autres y appuient les paumes ou les poings, certains poussent sur le ventre à l’aide de l’avant-bras en se servant de la table d’accouchement comme levier, tandis que les plus acrobates montent à califourchon sur la future mère pour peser de tout leur poids sur son abdomen. Certaines sages-femmes, se jugeant trop frêles, peuvent même s’y mettre à deux ou à trois, parfois pendant qu’une comparse tire sur le bébé pour l’extraire du vagin en pratiquant souvent une épisiotomie pour agrandir l’orifice vaginal. Dans tous les cas la scène est la même : une femme allongée, généralement en souffrance ou réduite à l’immobilité par une péridurale, dont le corps est malmené par une équipe médicale jusqu’à l’extraction du bébé.
Sans surprise, un tel traitement entraine bon nombre de séquelles physiques parmi lesquelles des ecchymoses, des douleurs abdominales persistantes parfois longtemps après l’accouchement, des fractures des côtes, des déchirures du périnée ou du sphincter anal, des lésions internes telles que l’explosion de la rate et des dommages au foie, et parfois même des atteintes graves à l’appareil reproducteur comme la rupture utérine. En d’autres termes, cette pratique occasionne des blessures équivalentes à celles d’un passage à tabac ou un accident de la route. Mais plus encore que les meurtrissures physiques, cet acte médical engendre d’importants traumatismes psychologiques.
Pour ceux qui l’ignorent encore, l’accouchement est un processus très lent. L’utérus, devenu pour l’occasion le muscle le plus puissant de l’organisme, pousse petit à petit le fœtus vers la sortie, au cours d’une période s’étalant sur de nombreuses heures, parfois même plusieurs jours. Sous l’effet d’un subtil cocktail hormonal, il se contracte pendant quelques secondes, dirigeant le bébé vers le vagin. Puis il se relâche, permettant à la future mère de récupérer des forces et de se détendre, tandis que l’enfant remonte dans la cavité utérine où il retrouve, pendant plusieurs minutes, un espace permettant des échanges revigorants avec le placenta pour mieux affronter la compression suivante. Par ce déroulement patient, les tissus maternels s’écartent très progressivement par un agencement autoprotecteur, et c’est millimètre par millimètre que le bébé avance en toute sécurité vers sa naissance. Malheureusement, cette lenteur n’est compatible ni avec les dogmes de l’obstétrique considérant que l’enfant doit naitre le plus rapidement possible en raison des dangers qu’il court dans le ventre hostile de sa mère, ni avec les visées économiques des hôpitaux cherchant un rendement maximal des salles d’accouchement par une rotation des femmes à un rythme soutenu. L’idée que le fœtus ne se conforme pas à ces objectifs et ne se dirige pas d’un bond vers la sortie est insupportable pour les praticiens qui se sont donnés pour mission de réagir à cette anomalie en violentant les parturientes.
Pour bien comprendre cette violence pendant l’accouchement, pensez à la défécation. Lorsque vous êtes constipé, il est probable que vous ayez une préférence pour des toilettes propres et confortables, dont la porte est munie d’un verrou, et où vous pouvez tranquillement tenter l’expulsion des résidus de vos dîners, avec la possibilité, selon vos inclinaisons, de scruter les détails des murs qui vous entourent ou de vous plonger dans une lecture passionnante. Si malgré d’interminables tentatives d’évacuer le contenu de vos intestins, la cuvette restait désespérément vide, il est possible que vous vous résigniez à quitter le lieu d’aisance, afin d’y revenir après une pause salvatrice et remporter alors le succès escompté. Imaginez maintenant l’effet sur vos sphincters d’une situation où, à tout moment, des gens ouvrent la porte non verrouillée, examinent votre anus sans vous en demander l’autorisation, y introduisent les doigts pour en tâter le fond et se permettent des remarques sur le peu de progression de la situation, tout en gérant la file des autres personnes qui piétinent derrière la cloison en attendant leur tour. Il est très probable qu’au lieu de favoriser le doux écartement de vos chairs augurant une délivrance, cette ambiance contribue à encore plus de crispation délétère. Imaginez maintenant qu’à un moment donné, ces visiteurs intempestifs vous intiment l’ordre de vous allonger sur une table, et se répartissent les rôles où les uns enfoncent leurs poings dans votre ventre pour pousser les excréments vers la sortie pendant qu’un autre sectionne votre anus à l’aide de ciseaux pour en élargir l’orifice. Il est très probable que vos intestins finissent par être vidés, mais au prix de lourds traumatismes physiques et psychiques. C’est pourtant le sort réservé en France à un tiers des femmes qui accouchent pour la première fois.
En 2007, la Haute autorité pour la Santé a reconnu qu’il n’existait pas d’indication médicale justifiant l’expression abdominale, et qu’au vu du vécu traumatique et des complications graves qu’elle produit, il y avait lieu d’abandonner cette pratique. Les praticiens préfèrent pourtant ignorer les recommandations médicales et les publications scientifiques afin de conserver leurs petites habitudes marquées par l’obscurantisme et la misogynie, si bien qu’en 2013, 22% des femmes qui ont accouché en France ont encore été victimes de cette violence obstétricale.
L’ocytocine de synthèse comme torture chimique
Cette abominable expression n’est pas la seule pratique dangereuse visant à contraindre les parturientes à la passivité. L’administration d’ocytocine de synthèse en est une autre. Plus sournoise encore, cette technique consiste à injecter cette hormone directement en intraveineuse, afin d’augmenter le rythme et l’intensité des contractions de façon à accélérer la naissance. L’effet escompté est le même que pour l’expression abdominale, à la différence qu’elle ne laisse pas de traces sur le corps de la femme, et qu’elle est beaucoup moins fatigante pour le personnel médical dont l’action se limite à régler le débit d’un goute à goute d’une poche en plastique.
Les conséquences de cet acte peuvent pourtant être désastreuses pour la femme dont les contractions deviennent très rapprochées, extrêmement douloureuses, lui laissant à peine la possibilité de reprendre son souffle, et s’apparentant dès lors à une véritable torture. La routine médicale bien rodée prévoit alors de la réduire au silence en lui imposant une péridurale, sans nécessairement se soucier de son efficacité réelle ni de toutes les complications qu’elle entraine. Cette stimulation utérine artificielle est non seulement douloureuse mais également dangereuse puisqu’elle augmente jusqu’à cinq fois le risque de graves hémorragies de la délivrance, nécessitant parfois l’ablation de l’utérus comme seul recours pour sauver la vie de la jeune mère. Elle décuple également les risques de souffrance fœtale pour le bébé emprisonné dans un utérus surstimulé ne lui laissant plus les phases régulières de repos lui permettant une bonne oxygénation. Il va en plus sans dire que ces injections d’ocytocine sont majoritairement faites sans en avertir la femme, encore moins en lui demandant son autorisation préalable, puisqu’une femme passive n’a par nature ni opinion, ni capacité de discernement.
Dès 1997, l’OMS a classé l’accélération de l’accouchement par l’ocytocine comme une pratique fréquemment utilisée à tort. Mais qu’à cela ne tienne, comme les obstétriciens préfèrent s’accrocher à la règle arbitraire mais à la portée de leur esprit limité qui veut que l’ouverture du col de l’utérus se fasse à un rythme d’un centimètre par heure, ils sont imperméables à toute étude et recommandation évaluant les risques des actes posés pour poursuivre cet objectif. Aujourd’hui, en France, 15 ans après la publication des recommandations de l’OMS, plus de 60 % des femmes se voient encore injecter de l’ocytocine pendant le travail.
Jusqu’aux derniers instants de leur accouchement, les femmes peuvent de se voir contraintes à la passivité. Lorsque le bébé est engagé dans le vagin, se produit un réflexe d’expulsion donnant à la future mère une invincible envie de pousser. Alors que jusque-là l’impératif de rentabilité financière de l’hôpital et les dogmes de l’obstétrique incitaient l’équipe médicale à accélérer l’accouchement en faisant usage des pires violences, il arrive qu’à cet instant précis, tandis que chaque cellule du corps de la femme lui hurle d’éjecter son enfant et que son anatomie toute entière se charge de la puissance nécessaire pour atteindre victorieusement la ligne d’arrivée, les sages-femmes besogneuses lui intiment l’ordre de se retenir. A ce moment-là, plus aucune considération ne porte ni sur la santé physique et mentale de la mère ou de l’enfant, ni sur la déshumanisation équivalente à celle subie par une personne à qui l’accès aux toilettes lui est refusé malgré un besoin très pressant. Seules comptent les minutes gagnées permettant au gynécologue retardataire d’arriver à temps à la salle d’accouchement pour réceptionner le nouveau-né à la sortie du corps de la mère et encaisser ses honoraires.
L’anthropologue Françoise Héritier observe que dans des sociétés préscientifiques, la croyance veut que, dans la reproduction, les femmes ne soient que des contenants ou des véhicules, alors que l’apport principal et vital provient de l’homme. Si la science a permis de démontrer que la procréation implique la mise en commun à parts égales de gamètes de deux partenaires, il est regrettable que l’obstétrique repose toujours sur des dogmes archaïques considérant les futures mères comme des enveloppes passives d’où sont extraits les bébés par l’entremise d’actions masculines.
J’aime j’aime j’aime ! Merci !
Brillant, comme toujours
c’est monstrueux !
J’aime beaucoup la comparaison avec la défécation. C’est tout à fait l’idée que j’ai en tête quand un homme essaie de m’expliquer pourquoi c’est mieux d’accoucher à l’hôpital. Merci.
Je suis du même avis que vous ! Quelle excellente comparaison que j’utiliserai à l’avenir pour faire comprendre aux gens ce que j’ai vécu. Merci Marie-Hélène encore une fois☺!
22% ? Mais c’est énorme ! Depuis quelques années, on nous dit que dénoncer cette pratique est un discours dépassé ou un combat d’arrière-garde…
Merci, merci, merci…
Merci !
Bonjour
merci pour ce billet, certes choc et sans concession mais malheureusement tellement vrai !
Eh oui, de nos jours, quand une femme dit qu’elle veut accoucher sans péridurale, elle doit se justifier : non, je ne suis pas masochiste, non, je ne suis pas bizarre…
Pour reprendre un slogan bien connu : “mon corps m’appartient” et, cher médecin, je ne le laisserai pas entre tes mains… J’ai d’ailleurs toujours dit à mes sage-femmes (deux accouchements sans péridurale et sans presque rien du tout, car arrivée aux derniers moments à la maternité) : pas de médecin entre nous !!
J’accouche ! Et je ne suis pas accouchée… J’ai porté cet enfant neuf mois, j’ai des milliers d’années d’évolution derrière moi, je vais bien le mettre au monde cet enfant là !
Personnellement, je trouve beaucoup plus effrayant l’idée d’être coincée dans un corps que je ne maîtrise plus que d’avoir mal (eh oui, j’ai eu mal, mais il y a une marge entre douleur et souffrance).
Je ne suis ni anti-péridurale ni anti-hôpital. Si une anesthésie permet à une femme d’accoucher sereinement et d’accueillir son enfant dans de bonnes conditions, c’est une bonne chose qu’elle puisse en bénéficier. Mais si les parturientes étaient mieux accompagnées, soutenues et aidées, choisiraient-elles si souvent la péridurale ? Les équipes présenteraient-elles cet acte comme quelque chose « qui va de soit » ? et qu’il faut faire parce qu'”on est plus au moyen-âge” ? Combien de sage-femmes en salles d’accouchement dans nos hôpitaux ?
Rappelons nous aussi que, dans un contexte autre qu’un hôpital, couper une personne avec un scalpel ou la maltraiter au point de lui briser des côtes, est un acte constitutif de “coups et blessures” soit un délit, puni par la loi de peines d’emprisonnement.
Un médecin ne peut opérer un patient qu’avec son accord et pour des raisons médicales, il est sinon hors la loi. Sauf rares cas, une femme qui accouche est en pleine santé. Episiotomie, injection d’hormones, cuillères et autres joyeusetés ne devraient pouvoir être effectuées qu’avec son consentement éclairé. Cela impliquerait d’expliquer AVANT les techniques pouvant être mises en œuvre lors d’un accouchement, et leurs possibles (probables ? inéluctables ?) conséquences. Et cela inciterait probablement les soignants à revoir leurs pratiques..
Bref, dommage que si peu de femmes soient sensibilisées aux pratiques liées à l’accouchement, à leurs «effets secondaires » et à l’engrenage péridurale, hormones de synthèse, souffrance foetale…
PS : Allez demander à des jeunes mères si ne pas pouvoir s’asseoir correctement pendant des semaines n’est qu’un sobre « effet secondaire ».
Merci pour cet article qui je dois le dire me fait un peu froid dans le dos. Je m’avance doucement vers la fin de ma première grossesse et je dois dire que j’étais déjà décidé à essayer de vivre ce moment sans péridurale…cette lecture a simplement enterré à 200m sous terre mes derniers petits doutes! Bravo pour cette écriture à la fois poignante et aussi parlante!
Voilà une malheureuse conséquence de l’injection d’ocytocine pour accélérer l’accouchement:
Une femme enceinte et son bébé sont morts, le médecin reconnu coupable. Un médecin de famille de Laval est reconnu coupable d’avoir prescrit de façon abusive un médicament qui provoque les contractions à une femme en train d’accoucher, ce qui a mené aux décès de celle-ci et de son bébé. L’article complet ici: http://www.journaldemontreal.com/2015/01/09/une-femme-enceinte-et-son-bebe-sont-morts-le-medecin-reconnu-coupable
La mécanique est toujours la même: le médecin qui se retranche derrière le protocole. Et dans les commentaires, on retrouve le “il est médecin, il savait certainement ce qu’il faisait” et “vous n’êtes pas médecin, vous n’y connaissez rien”. Toujours cette image du médecin intouchable, ces protocoles qu’on refuse d’interroger à la lumière des études, et ces femmes qui meurent.
Madame , j’ai 65 ans et je suis encore toute frémissante
Oui , j’ai toujours pensé avoir été torturée ! A vous lire, je comprends mieux ce que l’on m’a fait subir voici 37 ans ( pression ventrale à me couper le souffle ; piqure ; la souffrance été telle que … repiqûre parce que je …
Il a presque fallu me ranimer !
De plus, c’était le soir, pièce très éclairée, jambes écartées devant une baie donnant sur des immeubles ( j’avais l’impression d’être sur une estrade au centre d’une foule)
A un moment, j’ai émis un râle : “taisez-vous! vous allez réveiller tout le monde !”
Nous étions en janvier, cette pièce n’avait pas été chauffée ” encore une qui nous arrive en urgence ! ” . Bébé arrivé : place nette ! ; on nous a enfermé dans une chambre, lui dans son berceau, moi en position assise dans le lit ( mais la sonnette avait été laissée au dossier du lit, donc inaccessible). Me suis-je évanouie ? me suis-je endormie? toujours est-il que j’étais inconsciente. Lorsque, j’ai réalisé que j’étais devenue maman, j’ai tout naturellement voulu “toucher mon bébé pour la première fois” et … il ne respirait plus !? . Dans l’effort que j’ai fait pour m’étirer vers le berceau , j’ai vu que je baignais dans du sang, j’ai enfin réussi à atteindre le bébé par le bras et au risque de le faire tomber, je l’ai tiré très vite . Oui, il était mort ! Alors, pendant que le sang avait fini par déborder et faisait une folie cascade autour du lit , j’ai secoué, tapé ce nouveau né, puisque je ne pouvais admettre qu’il fût mort. un ronflement est alors sorti de sa gorge et ; seule, j’ai su le prendre par les pieds et lui donner une tape dans le dos pour finir d’évacuer ses bronches. Cette fois ci , je me suis vraiment endormie avec mon bébé dans les bras :” à mon tour de mourir mon petit”….. La garde de nuit me secouait , me criait dessus : ” regardait ce que vous avez fait, cette mare de sang, et que fait ce bébé dans votre lit, vous voulez qu’il tombe ?!”. Quelques jours après, je faisais une infection puerpérale …
Merci pour votre témoignage, tellement terrifiant.
Comme à chaque fois que j’écris un billet, je me dis que j’exagère un peu. Et puis des femmes viennent déposer des témoignages encore bien pire que ce que j’aurais pu imaginer.
Je viens de lire, 22 ans après, le récit détaillé de mon accouchement. Toutes les étapes sans exception. Accouchement si frustrant que j’ai eu le sentiment qu’il m’avait été volé et une furieuse envie de revanche genre si c’était à refaire… Ah! si: il manque un détail dans le récit de Marie: tandis que l’équipe médicale avait emmené mon bébé hors de ma vue pour lui prodiguer divers nettoyages hyper urgents, j’ai eu la mauvaise idée de vouloir m’asseoir, pour découvrir que la moitié inférieure de mon corps donnait directement dans une poubelle. Très fort aussi, comme image! Bref horreur et colère, mais sans suite, parce qu’on est quand même tellement plus heureuse de faire la connaissance de son enfant, et tellement reconnaissante qu’il soit bien portant… Facilement convaincue qu’il l’a échappé belle vue la nullité de la mère qui n’aurait jamais su lui donner la vie sans les intrusions, commentaires, interventions, injections, enfoncements de coude, injonction de faire machine arrière….évoqués plus haut.
Merci à ce blog. Ça fait quand même plaisir de savoir que je ne suis pas folle quand je me dis qu’on aurait pu faire mieux.
Merci pour ton témoignage, Anne.
Ma mère a subi ces injections d’ocytocine dont vous parlez, administrées à tort, n’importe comment, dans l’urgence pour la faire accoucher le plus rapidement possible.
Résultat : le dosage étant beaucoup trop violent, complètement déchirée, elle accouché rapidement puis a subi une épisiotomie atroce, criant au type qu’elle ne sentait pas l’anesthésiant alors qu’il continuait de la recoudre, avant que l’imbécile qui était alors son gynécologue ne la laisse passer la nuit seule une fois recousue et dans les vapes, sans pouvoir voir son bébé. Elle ne m’a vu que longtemps après, étant placée en couveuse ce qui dans cette maternité a fait qu’elle n’a pu me voir. (!)
Durant la nuit, elle a fait une hémorragie interne et est tombée dans le coma. Sa voisine de chambre, par un miracle probablement, s’est rendue compte que ma mère ne répondait plus et a sonné l’infirmière en urgence.
Résultat : après 24h de coma, elle reprend conscience, on lui a fait signer une décharge, et IMPOSSIBLE d’accéder à son dossier médical réclamé des dizaines de fois au médecin. On le lui a toujours refusé, à cause des bévues de ce gynéco qui ne voulait certainement pas se faire attaquer. Elle n’a jamais su ce qui s’était passé, ni les raisons exactes de son coma. Je l’ai souvent entendue dire que comme c’était son premier accouchement, dans une maternité réputée d’une grande ville, elle-même assez jeune et accouchant seule, elle n’avait pas su se défendre, mais aujourd’hui, elle n’aurait pas hésité à poursuivre ce médecin en justice pour les doses monstrueuses d’ocytocine administrées et le coma qui s’en est suivi. C’était au début des années 1990.
Bonjour,
Etudiant Sage-femme depuis maintenant 3 ans je suis tombé sur votre blog en faisant des recherches sur l’utilité de l’expression utérine dans le post-partum.
Je suis donc tombé sur cet article, et j’ai lu les études dont vous vous êtes inspiré.
Votre article est bon, il fait ressortir plein de problèmes actuels autour de l’accouchement et du simple fait de devenir mère.
Je ne peut m’empêcher de relever quand même certaines choses, en fait ce que vous décrivez tout au long de votre article ressemble pour beaucoup à ce que certaines collègues ont vécu en clinique privée (toute puissance du médecin, mère dépossédée, “arrêtez de pousser le médecin veux son chèque”) etc.
Je voudrais juste relever quelques raccourcis que vous prenez avant d’en arriver à ma conclusion :
-Vous dite, “une personne, souvent un homme” alors que 95% du personnel de salle de naissance est composé de femme (en tout cas à l’APHP) et que 98% des sages-femmes sont des femmes et que 99%, et que dans la plupart des cas c’est la Sage-femme qui aide la mère à mettre au monde son enfant.
– L’expression abdominale encore pratiquée lors de 22% des accouchements en 2013, mais encore une fois cela à diminué, et cela diminue par ce que certaines personnes essayent de faire changer les choses (on voit d’ailleurs dans l’étude qu’il y a quasiment 1,5x plus d’expression abdominale en clinique qu’en APHP).
– Vous dites que “l’ocytocine multiplie par 5 le risque d’hémorragie du post-partum(HPP), encore une fois le raccourci est facile, alors certes elle est souvent utilisée à tort et parfois même à l’encontre des recommandations (je ne le cautionne pas, mais je doit la fermer je suis étudiant), mais, et c’est dit dans l’abstract de l’article, l’ocytocine augmente le risque d’HPP par 1 à 5 selon le nombre d’unité perfusées, le débit, la durée total et la durée au débit maximal et cela fait beaucoup de facteur. C’est une hormone dangereuse et c’est pour cela que son monitorage est précis et que nous restons attentifs lors de son utilisation. Cela dit 60% d’utilisation reste trop gros chiffre nous sommes d’accord.
– Quand à l’épisiotomie je ne reviendrais pas déçus les choses sont claires : elle est beaucoup, beaucoup trop utilisée.
Maintenant j’ai pris très à coeur vos accusations sur le monde médical car, certes je n’ai pas beaucoup de bagage, mais je trouve blessant d’être mis dans le même panier que d’autres. Si je demande à une femme d’arrêter de pousser ce n’est certainement pas pour encaisser un chèque ou des félicitation, c’est pour éviter que son périnée ce déchire en deux (voir plus de morceau) juste pour adoucir la sortie de la tête de l’enfant et ce car la position de la mère est rarement la bonne (à cause de la péri). Je n’accouche pas non plus des femmes, je les aides à accoucher et je les accompagne en essayant des les rassurer car elles ce retrouvent dans un lit froid avec autant de fils et de tubes qu’un patient de réanimation. Il est trés difficile de ce poser en tant qu’étudiant sage-femme car on nous demande d’avoir l’esprit critique, mais on nous demande aussi de fermer notre gueule face au choses dont on sait qu’elles sont contre les recommandations et de laisser couler, et cela n’est pas facile.
Pour finir sur le thème, je pense qu’il est vain d’accuser l’institution médicale actuelle de la passivité des femmes de nos jours. L’erreur est arrivé il y a une cinquantaine d’année avec les premières péridurales. Et ce que je vois aujourd’hui ce ne sont pas de grand méchants anesthésistes courant après les parturientes, ce sont des parturientes courant après les anesthésistes : parcequ’elle ne sont pas prêtes !!! parceque “de toute façon il y auras la péridurale”, de nos jours c’est facile, pas besoin de préparation à la naissance ! Mais moi jeune SF que je suit je ressent le plus de bonheur quand en parlant avec une patiente, en soufflant avec elle, j’arrive à lui faire retrouver son calme et à la guider pour qu’elle accepte sa douleur et travail avec elle. Et elles y arrive, et elles m’en remercie la plupart du temps.
J’aimerais beaucoup entendre un autre discours de la part de mes amies qui partent du principe qu’elles auront la péri, car elles ne parlent plus avec celles qui ont déjà accouché, elles regardent Baby boom et elles ce disent que c’est facile. Et qu’aujourd’hui plus de femmes ce sentent trahies par l’absence de péridurale que par l’obligation de l’avoir, car celles qui veulent vraiment accoucher de la plus belle manière s’en donne les moyen (mais parfois ça rate c’est la vie)
La femme à besoin de quelqu’un pour l’aider à accoucher, et c’est comme ça depuis la nuit des temps, alors même si je ne le fait pas dans les meilleurs conditions j’essaierai de me battre pour plus tard, et je n’accepte pas qu’on nous traite de boucher, qu’on ce dise plutôt que la plupart du temps on “sait pour la femme” et pas contre elle.
Sur ce, merci de défendre les femmes, merci de parler de la naissance en France,
Désolé pour les fautes, désolé si j’ai fait des généralités aussi de mon coté.
Bonjour,
Merci pour ces précisions et mises à jour.
Concernant mes accusations du monde médical qui seraient blessantes, j’assume entièrement le ton de mes billets. Je fais le choix d’un style pamphlétaire et provocateur, avec l’objectif de faire émerger la parole des femmes et de mettre en évidence les violences obstétricales qui sont la norme dans les maternités. Je trouve toujours paradoxal que des médecins se sentent blessés par mes propos, alors que mes propos ne font que révéler les violences, humiliations, viols et mutilations endurées par les femmes. contrairement à ce que subissent les médecins les lisant mes textes derrière leur pc, les violences subies par les femmes sont bien réelles et inscrites dans leur chair.
Enfin, bon nombre de soignants qui sont conscients des violences infligées aux femmes par le monde médical, apprécient mes billets, justement parce qu’ils soutiennent leur pratique et les rendent moins seuls en tant que soignants bienveillants et respectueux de leurs patientes. Je suis sincèrement convaincue que vous ferez partie de ces bons soignants 🙂
Ma mère m’a un jour parlé de l’expression abdominale qu’elle a subit pour ma naissance (en 93). J’ai été extrêmement choquée (je n’avais jamais entendu parler de cette pratique et j’ai pensé ensuite qu’elle était tombée sur une sage femme particulièrement barbare, sans me douter un seul instant que c’était une pratique répandue avant de tomber sur votre article), et mon premier réflexe a été de demander pourquoi mon père alors présent ne s’était pas interposé. Elle a eu l’air gênée, comme toutes les fois ou j’ai exprimé mon horreur quand elle m’a lâché des informations au compte goutte sur l’episiotomie, sur la sage femme qui l’a menacée des forceps si elle ne poussait pas plus fort (et non pas expliqué que cet acte allait peut etre etre nécessaire pour ma sécurité et pour quelles raisons, nuance cruciale), sur la sage femme qui lui a dit qu’elle faisait peur aux autres patiente en criant, sur ses péridurales ratée (pour moi parce qu’on l’a oubliée entre deux releves de services et quand on s’est souvenu de son existence il était ´´trop tard’´, pour mon frère parce que ca ne lui a rien fait), sur les examens répétés sans la moindre intimité, etc. Comme si elle voulait elle même minimiser ce qu’elle a vécu de violences, sans doute par peur de me dégoûter de l’accouchement ou bien pour ne pas me raconter ma naissance comme une histoire de souffrances. Comme si elle s’excusait d’avoir subit des violences. Je comprends mieux à présent que j’ai moi même une expérience des violences notamment médicales, mais a l’époque ca me perturbais beaucoup. Je me demande souvent combien de mères sont dans sa situation, à défendre les praticiens qui les ont maltraitées au lieu de se défendre et prendre soin d’elles même avec le soutient de leur entourage, et c’est terrifiant effectivement.
Je ne sais pas si ça a été abordé sur ce blog (j’ai fait une recherche mais je n’ai rien trouvé), mais je pense que l’ocytocine est aussi une cause importante de déchirure du périnée.
En effet, l’ocytocine va entrainer une contraction des muscles, non seulement ceux de l’utérus, mais aussi ceux du périnée. Du coup, le périnée va s’opposer à la sortie du bébé au lieu de s’écarter au maximum. Alors souvent, le périnée va réussir à s’ouvrir suffisamment malgré l’ocytocine. Mais, parfois, la pression sur les muscles du périnée va être telle que celui-ci va se déchirer.
Alors que sans l’ocytocine, il n’aurait pas fait obstacle à la poussée. Il aurait été dans un état d’élasticité maximum, et aurait pu laisser passer le bébé.
Par ailleurs, les contractions de l’utérus étant plus fortes avec l’ocytocine, ça augmente le risque de déchirure du périnée puisque la pression sur le périnée est plus importante. Elles peuvent être aussi plus soudaines, moins contrôlées, ce qui peut faire comme un coup de bélier sur le périnée.
En fait, tout ce qui conduit à une tension plus grande des muscles du périnée augmente le risque d’une déchirure du périnée. Donc, le simple stress peut faire ça (ce qui rend préférable un accouchement dans la tranquillité, comme le dit Michel Odent cité dans votre article “C’est la science qui fera évoluer les conditions d’accouchement”). Le fait de conseiller de pousser sans tenir compte du fait que le périnée est peut-être contracté peut entrainer une déchirure (alors que la femme elle-même va être consciente du moment où il faut pousser ou pas).
Et bien sûr, le fait d’accoucher sur le dos augmente aussi fortement le risque de déchirure, puisque ça fait reposer le poids du bébé sur la partie du périnée proche de l’anus. La pression étant alors bien supérieure à cet endroit, cette zone a bien plus de risque de se déchirer. Alors qu’en accouchant accroupie ou assise, c’est à dire avec le bébé qui sort vers le bas, le risque serait nettement moins grand.
C’est donc la médecine qui est responsable de la très grande majorité des déchirures du périnée. Et comme par hasard, on a très peu d’informations officielles sur le rôle de l’ocytocine sur la déchirure du périnée. Alors que le problème est évident.
Dans une étude de 2014 intitulée “Assessing the association of oxytocin augmentation with obstetric anal sphincter injury in nulliparous women: a population-based, case–control study”, ils émettent une hypothèse (ce qui veut dire qu’il n’y a pas d’explication officielle) :
“Nous émettons l’hypothèse que l’augmentation de l’ocytocine peut réduire le contrôle des contractions et altérer le soutien périnéal en faisant progresser l’accouchement trop rapidement, et ainsi augmenter le risque de blessure périnéale.”
Donc, hypothèse fausse. Et là, on a affaire à des chercheurs, des spécialistes du domaine. Ce qui veut dire qu’en 2014, le monde de l’obstétrique ne comprend toujours par pourquoi l’ocytocine augmente le taux de déchirure du périnée. Bonjour le niveau. Ça craint.