« Enceinte, tout est possible », une investigation journalistique autour de la maternité.

enceinte tout est possibleParmi les nombreuses publications grand public destinées aux femmes enceintes, rares sont celles ouvertement féministes et posant un regard critique sur les injonctions et contraintes auxquelles sont soumises les futures mères. C’est pourtant le défi qu’a relevé la journaliste Renée Greusard en écrivant le livre « Enceinte, tout est possible » qui sort en librairie ce 13 avril 2016.

Dans un style léger et drôle, elle raconte son parcours depuis sa décision de concevoir un enfant jusqu’à la naissance de son bébé, tantôt avec moult détails intimes brisant des tabous, tantôt en assumant pleinement ses exigences de trentenaire le smartphone à la main.

Ce qui fait la force de ce livre n’est pas seulement son témoignage mais aussi la mise en perspective de celui-ci par différentes personnalités qu’elle a interviewées. Apparaissent ainsi, tour à tour, Jacques Tastard, le biologiste ayant permis la naissance du premier bébé éprouvette en France, qui relativise les résultats de la procréation médicalement assistée ; Paul Cesbron, obstétricien et secrétaire de la Société d’Histoire de la Naissance, qui replace dans un contexte historique la mainmise de l’État et de la médecine sur le corps des femmes ; Martin Winckler, médecin et écrivain, qui insiste sur le nécessaire respect des parturientes ; Philippe Charrier et Gaëlle Clavandier, auteurs de l’ouvrage « Sociologie de la naissance », qui éclairent le parcours de la future mère par les sciences humaines ; et bien d’autres spécialistes du sujet (dont moi-même, j’avoue).

Sur le mode de l’autodérision, la journaliste procède pourtant à une véritable investigation sur le contrôle social et sur les obligations et interdits imposés aux femmes lorsqu’elles attendent un enfant. Elle brandit des études statistiques, plonge dans les plans périnatalité, exhume le nombre dérisoire de cas qui justifient des pratiques infligées aux femmes à grande échelle. Elle s’amuse à comparer le Laurence Pernoud de 1987 à celui de 2005 pour démontrer comment une incitation dans les années quatre-vingt devient un interdit dans les années 2000. Elle décèle les contradictions internes au discours médical, et énumère des conseils souvent opposés en vigueur dans différents pays.

Plus que tout, Renée Greusard révèle les mécanismes d’infantilisation et de domination des femmes. Elle analyse l’injonction à rester désirable qui se conclut par « une femme enceinte peut être sexy, il faut seulement qu’elle n’ait pas l’air enceinte ». Dans une naïveté apparente, elle s’étonne que parmi les nombreux interdits qui frôlent l’absurde, rien ne soit dit sur la consommation de drogue pendant la grossesse, comme si aucune future mère ne pouvait avoir été tentée par ces substances à des fins récréatives. Elle s’insurge contre la façon bêtifiante dont certains professionnels s’adressent à elle « devenir parents fait-il de nous des mous du bulbe ? », et observe comment des soignants manipulent des conclusions d’études pour contraindre encore plus les futures mères. « A qui d’autre se permet-on d’interdire des choses de manière aussi ferme ? A des enfants ».

La journaliste narre un parcours de future mère en prise avec la surmédicalisation actuelle et sous le joug de son environnement social, qui est représentatif du vécu de bon nombre de femmes enceintes occidentales. Il n’est question ni de violence particulière, ni de traumatisme à panser, mais plutôt d’une expérience globalement positive, d’une grande banalité et à laquelle il est possible de s’identifier. Au fil de ses questionnements, analyses et rencontres, elle ouvre néanmoins la porte vers une naissance respectée et pose les jalons pour une remise en question de la façon dont les femmes sont traitées lorsqu’elles décident d’avoir un enfant.

Ce livre est présenté comme étant le reflet de la maternité à l’heure de la génération Y, « celle qui veut tout, tout de suite », celle qui a une attitude consumériste jusque dans la procréation, celle qui vérifie les informations médicales sur internet poussant des obstétriciens à repasser leurs examens devant chaque patiente. Celle qui est héritière de la liberté sexuelle pour les femmes, de l’égalité au sein du couple et des avancées féministes. Et, qui sait, peut-être, celle qui mènera la révolution pour mettre fin à 400 ans de domination patriarcale sur le corps des femmes qui accouchent.

Renée Greusard, « Enceinte, tout est possible », éd. Lattès, 250 pages, 13 avril 2016.

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3 Responses to « Enceinte, tout est possible », une investigation journalistique autour de la maternité.

  1. Myriam says:

    À chaque génération ses combats !

  2. lebihan says:

    je voir comment vous pratiquer un toucher vaginale chez les femmes

  3. Cléo says:

    Merci, je l’ai lu il est super. J’aurais aimé l’avoir pendant mes grossesses. (J’ai eu ce blog qui m’a bien aidée cependant !)

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