Quand les magazines professionnels parlent des violences obstétricales

profession-sage-femmeCette nouvelle année 2017 s’annonce bien. Pas moins de trois magazines professionnels de soignants, pour lesquels j’ai eu le plaisir d’être interviewée, traitent des violences obstétricales dans leur premier numéro de l’année.

Le premier est la revue « Profession Sage-Femme » qui évoque les violences obstétricales en page de couverture et en fait un dossier complet. La journaliste et rédactrice en chef Nour Richard-Guerroudj y signe un article de grande qualité qui aborde la terminologie de violences obstétricale s’imposant aujourd’hui à d’autres termes plus vagues comme l’humanisation des naissances ou la maltraitance dans le soin. Elle cite tour à tour le rôle des lanceurs d’alertes sur internet mettant en évidence ce phénomène, les lois sud-américaines punissant la violence obstétricale, les positions de l’OMS sur la maltraitance pendant l’accouchement, le rôle du CIANE dans l’amélioration des pratiques et l’émergence d’un nouveau féminisme qui s’empare de cette question. Elle relaye également la mise en place du diplôme inter-universitaire (DIU) sur la prise en charge des maltraitances rencontrées en gynécologie obstétrique et l’ouvrage « L’Accouchement est politique » qui vient de paraître. Pour la journaliste, « s’il n’est pas question de stigmatiser tous les soignants, il est temps de tenir compte du phénomène ».

scan-dossiers-de-obstetrique-page-001La deuxième publication est la revue « Les Dossiers de l’Obstétrique » qui consacre un numéro spécial au congrès Violence et sage-femme qui s’est tenu les 6 et 7 décembre à Paris et où j’ai également eu le bonheur d’intervenir. Ce colloque avait pour but d’interroger de façon pluridisciplinaire la place des sages-femmes face à la violence, qu’elles en soient auteures, victimes, témoins ou passeuses. Le magazine publie l’intégralité des interventions qui y ont eu lieu, et regorge d’informations, de réflexions et de mises en perspective de la violence faite aux femmes et aux sages-femmes. C’est précisément grâce à ces sages-femmes contestataires, ouvertes sur le monde, et puisant leurs ressources dans des disciplines diverses et éloignées de la pathologie prônée par l’obstétrique, qu’émergent des façons plus respectueuses d’accompagner les femmes pendant leur accouchement.

scan-infirmiere-liberale-page-001La troisième publication est « L’Infirmière Libérale » qui pose la question « gynécologie/obstétrique : les médecins sont-ils vraiment des brutes ? » à la gynécologue-obstétricienne Dominique Thiers-Bautrant et à moi-même. Comme vous pouvez le lire dans l’article que je vous reproduis ci-dessous (cliquez sur l’image pour l’agrandir), la professionnelle interviewée a beaucoup de mal à identifier la violence obstétricale. Sans surprise, elle considère que la violence contre les femmes qui accouchent n’est plus d’actualité ou n’est le fait que de médecins « malotrus, voire d’obsédés ou de gens agressifs ». Elle se contredit puisqu’elle reconnaît plus loin que les comportements maltraitants envers les patients existent mais sont le résultat de la maltraitance institutionnelle que subissent les soignants.

article-infirmiere-liberale-page-001Ce mélange de déni et d’ignorance des violences infligées aux femmes se retrouve chez bon nombre d’obstétriciens et sages-femmes qui ne se rendent pas compte de l’impact délétère des gestes qu’ils posent par routine ou en vertu d’un protocole.

Au moment où ces magazines destinés aux soignants sortaient de presse, une jeune femme a dénoncé sur Twitter un toucher vaginal forcé pendant sa grossesse. Elle a diffusé l’extrait de son dossier médical mentionnant en toutes lettres « Grossesse normale. TV non souhaité, fait à l’encontre de la patiente après information. Entretien proposé pour info sur l’accouchement. Pleurs de la patiente en sortant » (voir cet article) .

Cette sage-femme écrit noir sur blanc ses gestes qui vont à l’encontre de la loi Kouchner sur le consentement libre et éclairé du patient pour chaque acte médical, et qui sont, en tant que pénétration sexuelle forcée, constitutifs d’un viol. L’innocence avec laquelle elle relate ces faits dans le dossier médical démontre l’étendue de son ignorance quant à la violence qu’elle inflige à ses patientes. Cette professionnelle poursuit son aveuglement en interprétant le refus par une patiente d’un toucher vaginal, sa douleur et ses pleurs, comme des symptômes de vaginisme ou de problèmes psychologiques. Pour elle, c’est simple : l’intérieur du vagin des femmes enceintes doit être accessible à tout moment par n’importe quel soignant, et la femme qui le refuse est anormale.

Les magazines professionnels s’emparant du sujet des violences obstétricales montrent que la révolution est en marche. Mais elle a encore un long chemin à parcourir.

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4 Responses to Quand les magazines professionnels parlent des violences obstétricales

  1. DIEUX says:

    Marie-Hélène, merci pour votre présence et votre engagement. De notre côté, nous sommes un collectif de parents, artistes, médecins, directeurs de maternité et hôpitaux à nous engager pour que le plus grand nombre de structure adhère au label Naître enchantés. Ce label garantit le respect des personnes dans une coopération professionnels/parents, l’autonomie des couples formés pour cela et le maintien des liens parents/enfants quelles que soient les conditions techniques de l’accouchement (péridurale, césarienne, transfert…). Aidez-nous à relayer nos formations parents & professionnels de la périnatalité.

  2. Morelle says:

    Bonjour ,
    J’ai lu votre articles et je me suis tout de suite reconnu dans c’est acte de barbarie .
    J’ai accoucher l’année dernière le 10 juin à la maternité de sarreguemines d’une césarienne programmé et j’ai tout senti durant l’intervention.
    Je ne me suis jamais plainte parce qu’on m’a fait venir un soit disant psychologue et elle m’a conseiller que ça ne sert à rien .
    Je vous laisse un commentaire si vous voulez me répondre ça serais avec plaisir que je vois répondrais .
    Bonne journée

    • lenversdudescorps says:

      Je me permets de dire qu’au contraire il faut parler et surtout écrire. Ecrire à la direction de l’hôpital (ou au pôle mère/enfant), avec copies à un max de gens, comme le conseil d’administration (il y a des représentants des patients), le maire de la ville, les associations potentiellement concernées et surtout l’ARS, direction régionale de la santé, il suffit de chercher sur internet le nom du directeur et l’adresse. Sur la lettre vous marquez à qui vous envoyez des copies, chacun saura la liste des destinataires. Ce courage d’écrire il faut le trouver à un moment, quand on est un peu apaisée, un moment où on va décrire exactement ce qui s’est passé, ça suffit. Dans ce cas la structure sera obligée d’en tenir compte, de s’interroger et d’interpeller les services. Faites le pour vous, faites le pour les autres femmes. Vous ne risquez rien, mais la plupart du temps, cette démarche élémentaire n’est pas faite, juste parce qu’on a envie de passer à autre chose…

  3. gaëlle says:

    Bonjour,
    merci beaucoup pour votre blog. J’aurais voulu savoir comment accéder aux articles ? Je n’ai trouvé ces revues ni en kiosque ni à la bibliothèque…

    Merci !

    gaëlle

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